Les Eupleridae (Carnivores malgaches) forment un groupe de 8 à 10 espèces toutes endémiques de l’île de Madagascar et sont encore peu connues du grand public.
Du « fossa » (Cryptoprocta ferox), le plus grand des carnivores malgaches, arboricole, présentant une denture de félins, au « falanouc » (Eupleres goudotii) petit insectivore, terrestre, présentant lui une réduction extrême de la denture, en passant par des formes à morphologie diverses de type mangoustes et civettes, les espèces de cette famille montrent une large variété de tailles, de formes, d’écologies et de comportements différents.
Partez avec Margot Michaud, responsable du programme Eupleridae, Sergio Razafinimpanana son alter-égo malgache et une poignée d’écovolontaires, au sommet de la chaine alimentaire et découvrez son plus illustre représentant, le mystérieux fossa, roi des animaux malgache.
Mais pourquoi ?
La faune malgache fait figure d’exemple et reste un sujet d’interrogation pour de nombreux chercheurs. Isolée des grandes étendues de terre depuis environ une centaine de millions d’années (entre 88Ma et 165Ma selon les sources), la faune de cette île, que l’on nomme parfois le septième continent, présente une diversité taxonomique peu commune et des taux d’endémisme uniques pouvant atteindre 100 % pour de nombreux groupes.
Au sein de cet écosystème insulaire, les Eupleridae constituent une famille de Carnivora de sept genres et huit à dix espèces actuelles endémiques. En 2003, il a été démontré qu’à l’instar des lémuriformes, la présence des Eupleridae à Madagascar s’expliquait par un événement de colonisation unique vieux de 18 à 24 millions d’années, à partir d’un ancêtre africain proche des Herpestidae (mangoustes et suricates). Cette étude réfute donc l’hypothèse paraphylétique des Eupleridae longtemps avancée pour ces différentes espèces. Pour résumer, ça revient à dire que tout les eupleridae auraient le même ancêtre commun.
Cependant, les mécanismes ayant mené à cette colonisation restent énigmatiques. L’hypothèse actuellement avancée propose une dispersion d’Afrique certainement grâce à des radeaux de végétation permettant de transporter des individus jusqu’à une côte proche. Après une vingtaine de millions d’années d’évolution en milieu insulaire et en l’absence d’autres carnivores terrestres, les Eupleridae arrivés à Madagascar auraient connu une phase de diversification rapide, aussi appelée radiation adaptative, aboutissant à des espèces occupant des niches écologiques extrêmement variées. La grande diversité écologique des Eupleridae est illustrée par des espèces de taille et de morphologie très différentes.
Ces espèces, notamment le fossa, se trouvent au sommet de la chaîne alimentaire de l’île. Leurs populations ainsi que leurs répartitions ont donc un impact primordial sur tous les écosystèmes malgaches et doivent être placées au centre des questions de conservation de la biodiversité de ce pays. Cependant les informations sur la répartition de ces espèces restent très éparses pour certaines zones difficiles d’accès comme le massif du Makay.
Mais comment ?
Le programme eupleridae #Makay2017 a pour objectif de faire l’inventaire des espèces d’Eupleridae présentes dans le massif du Makay mais aussi de connaître un peu plus leurs aires de répartition ainsi que d’étudier leurs comportements et leurs modes de vie.
Plusieurs points sont alors considérés dans cette étude :
– La présence de différentes espèces dans cette partie de l’île ;
– La fréquence des observations des individus ;
– L’étude des habitudes comportementales de ces espèces, notamment le comportement alimentaire et locomoteur ainsi que le mode de vie (diurne, nocturne, crépusculaire, etc)
– La prise d’échantillon biologique sur le terrain.
Dans un premier temps, des pièges photographiques à détection de mouvements ont été placés à des endroits stratégiques du massif et nous ont offert de belles surprises au moment des visionnages. Pour ce faire, un quadrillage de la zone a été réalisé en amont de l’expédition grâce à un repérage satellite afin de délimiter différentes zones d’études ayant des conditions écologiques différentes (altitudes, ensoleillement, présence de certaines espèces de lémuriens etc).
Durant l’expédition, les pièges photographiques ont ensuite été disposés sur le sol pour les espèces terrestres (notamment la mangouste à dix raies Mungotictis decemlineata que l’on pourrait retrouver dans cette partie de l’île) tandis que d’autres pièges ont été placés en hauteur dans la végétation, lieu de prédilection du fossa (espèce principalement arboricole). Ses pièges laissés pendant une période de 1 à 6 semaines ont permis de récolter le maximum d’informations sur la présence d’Eupleridae et la fréquence des rencontres. Au sol, la présence de traces de pas et de fèces (excréments) sera étudiée dans le même but.
Le contenu des fèces sera d’autre part étudié pour mieux comprendre les comportements alimentaires des espèces carnivores présentent dans le Makay et la composition de leur régime alimentaire dans cette partie de l’île. L’observation directe des individus est compliquée mais est aussi privilégiée en utilisant des appâts de viande à certains endroits choisis préalablement.
Enfin, cet inventaire ne peut se faire sans une discussion avec les populations locales qui vivent à proximité de ces animaux. Ils peuvent alors nous donner des indications précieuses sur la fréquentation des populations de carnivores autour des habitats occupés par l’homme ainsi que sur le mode de vie de ces animaux.