Jour 11 – Dernier trek avant la pause repos

Ce matin, réveil poussif, il a fallu que j’appelle tout le monde quatre fois (la quatrième fois avec un ton légèrement plus réprobateur que les fois précédentes), pour que quelqu’un veuille bien se lever. Mais il y avait une bonne raison. Hier soir on a terminé par une mission un peu commando, on a forcé dans les hautes herbes infâmes pour arriver sur notre camp. On craignait aussi la traversée de cette prairie qui s’annonçait du même acabi qu’hier soir. Une autre raison qui ne nous motivait pas, c’est qu’on a tous les pieds en feu et endoloris. 

Première étape qui nous a énormément ralentie ce matin : la préparation des plaies des uns et des autres. Sachant qu’on avait plus que 2h de marche, j’ai proposé qu’on couvre les brûlures de mycoses, donc quasiment tous les pieds pour certains, de pansements sparadraps extensibles qui permettent d’éviter le frottement direct du pied avec la chaussure. C’est pas fou mais ça retarde un petit peu la douleur. On a mis environ 1h à faire tout ça. 

Le GPS ne se repérait pas sous le couvert forestier, donc il a fallu que je prenne une direction au compas. Quand on ne sait pas où on est au point de départ ça n’est pas simple, mais on s’en est sortis quand même, en tournoyant on a trouvé pile poil la bonne sortie. 

Sortis de cette forêt on s’est retrouvés dans une prairie, pas simple comme la veille mais ça n’a duré que 50m. Puis on est tombés sur une zone qui avait été brûlée, les herbes étaient bien moins hautes et c’était plus facile. On a vu des enclos placés par des chasseurs de chevreuils. Ils sont deux groupes, un du côté de la rivière qu’on a descendu l’autre jour, et un autre du côté de la rivière Lasolo, là où on se trouve ce soir. Ils se répartissent le terrain de chasse comme ça. Ils sont 4 d’un côté, 6 de l’autre. 

On a vu un type au loin, qui avançait très vite, on a même cru qu’il était en moto. Mais a priori ici, quand ils chassent, ils chassent en courant. Ils ne tuent pas les animaux, ils n’ont pas de fusils, ils ont juste une petite ficelle qu’ils tirent derrière eux, en cercle pour empêcher les animaux de s’échapper, et ils les dirigent vers un point à la lisière de la forêt dans lequel ils ont mis des pièges. Ils ont réparti une centaine de pièges dans la forêt et savent exactement où ils se trouvent.

Deux personnes nous ont rejoint, on a discuté un peu avec eux, ils nous ont expliqué comment ils faisaient et juste devant nous deux biches ont jailli de la prairie, ils ont jailli aussi vite pour leur courir après, mais elles étaient déjà bien placées pour s’échapper. C’était assez drôle de voir à quelle vitesse ils allaient. En tous cas c’est une technique de capture qui est assez intéressante, je n’avais jamais entendu ou vu un truc pareil. 

Ces fameux chasseurs nous ont montré un petit chemin qui nous a fait gagner un peu de temps pour traverser la dernière petite zone de forêt.et ensuite on s’est retrouvés sur la dernière prairie, non brûlée, à nouveau difficile à traverser, dans les herbes hautes, sans chemin tracé. Puis on a trouvé le bout du bout de cette prairie, la rivière Lasolo. Trop contents d’être arrivés enfin sur ce fameux campement ! 

La rivière Lasolo

On est descendu sur 5m un peu rudes, qui nous permettaient de prendre pied sur une dalle de rocher. On a gonflé un bateau pour faire la traversée parce que le véritable campement était de l’autre côté, et on est tombés sur des petites structures en bois qui montrent que certaines personnes s’installent ici de temps en temps. 

Imé s’est perdu à la toute fin, on a foncé sans l’attendre sur les 100 derniers mètres parce qu’on avait trop envie de poser les sacs et de mettre les pieds dans l’eau. Et malheureusement ils nous a perdu de vue et j’ai dû remonter en arrière, l’appeler. Il n’entendait pas parce qu’il était à côté d’un rapide. Je me suis douté qu’il était descendu tout droit. Donc je suis allé voir, j’ai crié et il était effectivement là, il avait fait un feu, défait son sac comme si on allait le rejoindre alors que nous ça fait 1h qu’on était arrivés de l’autre côté en train de l’attendre. 

Et puis on est arrivés vers 13h bien contents, on a tout étalé, on a lavé deux trois trucs, on a dormi un peu, on a envoyé des messages, on a essayé de pêcher mais ça n’a pas marché. Ce soir, on a fait un feu, on a mangé quelques petits poissons qu’on avait récupérés chez les chasseurs de biches de l’autre côté. Puis on a terrassé, ça nous a pris un peu de temps avec Bagus, parce que le terrain était complètement labouré, sûrement par les babis, et recouvert d’une plante ultra piquante, une sorte de tubercule, qui ressemble à une patate douce. D’après Bagus ça se mange mais c’est toxique donc il faut le faire bouillir longtemps pour que ça soit comestible. Mais c’est une sorte de liane grimpante qui s’accroche partout. Et il y avait aussi des herbes avec des petits picots, comme des dents crochetantes, dès qu’on passe la main dessus ça coupe très facilement. 

On a ensuite installé le campement, on est vraiment bien ! On a le hamac, les deux tentes, on a pile poil la bonne place, on est sous un arbre qui nous fait un joli ombrage, donc demain même s’il fait grand soleil ça devrait être supportable. 

Ce soir ça gronde derrière nous, l’orage s’accentue. Demain, journée repos parce qu’on a vraiment les pieds en bouillie, donc il faut vraiment prendre du temps pour soigner les mycoses, d’autant plus qu’on a plus de crème, et qu’il reste encore de la poudre mais pas assez pour plusieurs jours. Il faut donc qu’on trouve un moyen de guérir par le sec, le soleil, par le fait de ne plus être dans l’eau tout simplement. 

J’ai une allergie à une piqûre d’abeille depuis quelques jours, à l’intérieur du poignet et ça m’a fait gonfler le bras gauche comme un ballon, jusqu’à ce soir, ça gratte, ça démange c’est affreux. C’est un détail mais ce genre de petit truc fait que mine de rien on est quand même sensibles à tout ce qui nous arrive, au moindre petit accroc, à la moindre petite plante. Et contrairement à ce que je dis d’habitude sur le Makay par exemple, ici la forêt n’est pas très docile, tu ne peux pas te déplacer facilement, en marchant entre les arbres comme en Amazonie où c’est quand même assez ouvert, ça n’est pas ultra dense. Ici c’est vraiment très dense, avec plein de trucs qui coupent partout, on a des plaies partout, sur les bras, sur les jambes et sur les mains. 

Il est 21h, il est bien temps qu’on se couche ! 

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