La journée s’annonce chaude. Levés à l’aube, nous apprenons avec joie les découvertes d’hier soir.
Après une phase de déception et de tristesse quant à la dégradation avancée du milieu et sa pauvreté en espèces, les premières découvertes d’espèces apparaissent. Chris est plus que satisfait, il a découvert deux nouvelles espèces de caméléons. Sylvain également, pour avoir récolté 35 espèces différentes de criquet et sauterelles dont plusieurs nouvelles espèces. Les autres entomo sont moins loquaces mais ils ont trouvé chacun dans leur domaine les espèces qu’ils cherchaient. Richard a collecté plus de 60 espèces de plantes différentes et il pense pouvoir monter jusqu’à 200 avec une ou deux journées de plus. Mathias a aussi attrapé un Eliurus dans un de ses pièges mais l’a relâché tout de suite malheureusement. Au regard de la photo, l’animal semble très intéressant. Jean et Tsilavina ont trouvé hier des oreochromis, des xyphophorus et deux gobidés morts en descendant la rivière. C’est prometteur, ils retourneront aujourd’hui avec tout le matériel pour les pêcher. Seuls Catherine et Christian reviennent très déçus avec très peu d’échantillons de fougères, d’hépatiques et de mousses.
Aujourd’hui j’accompagne justement Catherine, Christian, et Richard, nos botanistes. Nous décidons de descendre la rivière pour nous enfoncer dans un petit vallon qui, terminé par une petite cascade, semble prometteur. Avec un peu de chance, nous trouverons des hépatiques (petites languettes collées aux rochers dans les zones humides) et fougères intéressantes. Après une petite heure de progression, le constat est unanime, la forêt que nous traversons est détruite. C’est un écosystème ébranlé, totalement modifié par les feux. Les arbres survivent tant bien que mal sur ce sol érodé. Catherine, malgré sa bonne humeur et son énergie, est dépitée.
La nature ne triche pas. Bio-indicateurs de la dégradation d’un milieu, les hépatiques sont quasi-inexistantes. Altérés par les cours d’eau rapides chargés en sédiments et le manque d’humidité lié à la disparition de la forêt, ces espèces peinent à se renouveler. Ce sont pourtant des réservoirs d’eau pour les écosystèmes forestiers.
Nous continuons notre marche bravant sables mouvants et attaques de guêpes. Richard collecte diverses espèces de branchage, il constitue un herbier qui servira aux étudiants souhaitant travailler sur la flore malgache. Tout comme Christian et ses fougères, Richard conditionne ses échantillons avec minutie dans du papier journal.
Le saviez-vous?! 90% des plantes sur cette île ont des vertus médicinales! Malheureusement très peu connues des populations, cette grande richesse part en fumée dans l’ignorance collective.
Le moral lesté, nous poursuivons notre chemin en aval lorsque devant nous, une danse de papillons multicolores pour invitation, se dresse une forêt galerie : Magique!
Nous trouverons finalement une espèce d’hépatique et des fougères, au plus grand bonheur de nos botanistes qui ne rentrerons pas bredouille.
Sur le retour, nous retrouvons Charlotte et Ricca occupés à découper des feuillages. Charlotte est ravie, elle a enfin trouvé des cochenilles. Cette espèce invasive et destructrice est un fléau pour les cultures malgaches, l’étudier permettra de mener à bien un lutte biologique et stopper les dégâts au travers du pays.
Pierre-Olivier ou « Poc », révélé par les malgaches comme le sosie de Pierre Richard (si, si!) n’en est pas moins un très bon chasseur…
Notre herpéto-rigolo a su prouver son habileté à plusieurs reprises. Hier déjà une espèce de serpent, le plus grand de Madagascar, avait fait sensation… oui, enfin, la morsure qui s’en suivie surtout! (rien de grave, c’est chose commune ). Aujourd’hui c’est avec une belle couleuvre qu’il se fait remarquer. Ce fut l’occasion pour certains d’entre nous de remettre en question nos a priori et d’oser braver nos peurs inconscientes…c’est chaud et doux ces petites bêtes!
Nous avions déjà tenté de susciter réflexion et débats sur le pourquoi de ces feux inconscients, sur le désintéressement total de ces hommes face à leur environnement… Peu satisfaits des réponses obtenues hier soir, nous réitérons l’expérience aujourd’hui cette fois-ci avec des villageois venus nous rendre visite.
Au bord de la rivière, Charlotte comme traductrice, la confiance s’installe, le dialogue s’instaure, les consciences s’animent. Ces personnes sont mécontentes. Elles le savent, le feu est un calvaire, il a déjà calciné leurs bétails, détruit la forêt, et restreint la chasse. Impossible de connaître les coupables, des gens de passage avec leurs zébus disent-ils… Probablement des dahalos, les voleurs de zébus.
Alors même que nous tenons cette discussion, un villageois débarque les bras chargés d’un étrange paquet qui s’agite et tremble. C’est un lémurien, capturé ce matin, il est venu nous le vendre. Je vous laisse imaginer la tête d’Evrard à la vue de cet animal si doux et si mignon ligoté dans un filet. Puis sa tête là encore lorsque l’homme lui a expliqué qu’il l’avait attrapé rien que pour nous, croyant que nous venions pour les chasser et les manger. L’acheter est impensable tout comme le fait de le laisser repartir avec, le pauvre animal se retrouverait immédiatement dans l’assiette des villageois. Nous négocions pour pouvoir le garder et le libérer. Mais les choses sont plus compliquées que cela. On ne libère pas un lémurien n’importe où. Il faut en effet le ramener dans son habitat d’origine et le relâcher à l’heure de sa capture afin qu’il puisse retrouver son groupe. Reste à connaître l’endroit où il a été chassé!
« Mama » Charlotte se charge de la « leçon ». Nous ne sommes pas certains qu’il ait compris le message ni le but de notre présence.
Evrard et Mohamed, quand à eux, s’empresse de prendre soin de notre nouveau venu et c’est avec une douceur quasi-paternel qu’ils s’efforcent de l’abreuver et de le nourrir. Mathias notre spécialiste des lémuriens lui fabrique une cage à l’aide d’un panier et d’une moustiquaire plus accueillante que ses cordages. Il passera la nuit avec nous. C’est déjà ça, on aura au moins sauvé un lémurien!
La squence video de cette anecdote :
Merci Evrard pour l’info !
Peut-on connaître la nature des milieux prospectés ? Si j’ai bien suivi, le premier site semblait une forêt sèche plus ou moins dégradée et le second une forêt ripicole coincée dans un fond de vallée et donc plus humide ?
Y trouve-t-on des taxons caractéristiques des forêts pluviales de l’est ?
Pour ce qui est des phasmes, les forêts sèches de l’ouest présentent infiniment moins de diversité que celles de l’est : trois espèces au plus par site pour celles-là, contre environ quinze ou vingt pour celles-ci.
Bonne continuation, je vous envie…
Merci Jessica de ce récit plein de vie et de détails amusants ou émouvants, comme celui du lémurien. Sur la video, on voit Nicolas très intéressé par la couleuvre, il rit et fait des remarques, au moment où on approche le serpent plus près de lui, peut-être pour qu’il s’en saisisse, il a un léger recul… les serpents, c’est bien vrai, occupent une place à part dans l’inconscient collectif même dans celui des scientifiques !
Désolant pour les botanistes, cette terre dégradée, je compatis, pourtant à voir les photos… quelle végétation foisonnante (enfin, pas partout, ) et ces villageois dépossédés peu à peu de leur forêt, quel constat amer,
il y a les images poètiques liées à l’exotisme, à l’aventure du voyage et puis dessous, il y a la réalité de cette perte écologique, immense, chaque jour
35 espèces d’orthoptères : bravo à Sylvain !
Mais, le plus important au fond : combien d’espèces de phasmes…?
Salut Nicolas,
Sylvain me dit qu’il n’en a collecté qu’une seule espèce sur le premier site. Sur ce deuxième site, il devrait en trouver plus.
On te tiendra au courant.
Bye