Le camp se réveille après avoir brièvement récupéré de l’arrivée tardive sur notre dernier lieu de travail. Tout le monde prend petit à petit ses marques dans ce nouvel environnement : repérage de la rivière pour se laver, installation des toilettes et des grandes tentes, mise en place de la cuisine et amélioration des installations de la veille.
Les groupes se forment et partent découvrir les environs pour continuer leurs inventaires. En fin de matinée, le temps se gâte. Nous apercevons au loin des éclairs et des pluies localisées. L’humidité est supérieure à 70%. Nous avons a plusieurs reprises observé ces phénomènes mais jusqu’à présent, nous avons été épargnés par les gros orages. Ny, notre spécialiste des crocodiles, accompagné de Jessica et Max, décident de partir en pirogue à Beroroha pour interroger la population locale sur ces reptiles. Ils ont l’intention ensuite de descendre le Mangoky à la tombée de la nuit pour faire un comptage des crocodiles.
Surplombant le camp se trouve un plateau entouré de falaises. L’accès paraît bien compliqué et les retours que nous avons des groupes de la nuit et du matin sont mitigés. Les falaises sont trop élevées pour y accéder sans risque. Accompagné de Mohamed, nous partons tous les deux en reconnaissance pour trouver un accès et faire un balisage de la zone afin de permettre à ceux qui le souhaitent de pouvoir étudier le plateau. Lorsque nous quittons le camp à 15h30, le ciel est très menaçant mais nous espérons que l’orage passera à côté. Nous longeons la falaise d’un côté et le fleuve de l’autre en traversant une mer de roseau. La progression est pénible et toujours pas de brèche sur ces falaises. L’orage gronde et se rapproche. Nous réussissons enfin à trouver une voie. Arrivés sur le plateau, nous constatons que les zébus le parcoure et que la forêt est endommagée par le feu. Nous décidons d’explorer le plateau par l’autre côté lorsque soudain l’orage éclate et des trombes d’eau s’abattent. Nous nous empressons de partir en direction du camp en espérant trouver une brèche pour redescendre. Après une demi heure, nous sommes au dessus du camp mais les falaises sont trop hautes pour descendre. L’inquiétude commence à monter alors que la pluie s’intensifie : il fera nuit dans peu de temps. Nous savons que nous ne réussirons pas à moins de retrouver l’endroit où nous sommes montés. Nous y parvenons enfin à la tombée de la nuit et retournons vers le camp ou le dîner nous attend. La pluie diluvienne pousse le groupe à se retrancher dans les deux grandes tentes. Nous pensons à Ny et Jessica qui sont censés naviguer sur leur pirogue. Sylvain, l’un des entomologistes nous rejoindra le dernier. Il s’était endormi dans une grotte pour attendre la nuit afin de commencer sa prospection. A cause de la pluie, il rentrera manger l’assiette un peu rempli d’eau que notre chef lui avait mis de côté accompagné d’une noble pièce de poulet : une patte!
Les scientifiques ont donc eu aujourd’hui beaucoup de mal à travailler dans de bonnes conditions. La pluie n’est d’ordinaire pas un problème pour eux. Certains ont même tendance à apprécier parce que celle-ci fait sortir certaines bêtes. Mais l’ennui sur ce camp, c’est qu’il est infesté de crocodiles et que la pluie facilite leur remontée dans la rivière qu’il faut traverser pour aller travailler. On comprend aisément que personne n’ait envie de risquer sa peau pour quelques spécimens. La grande majorité est donc restée ici à traiter les échantillons collectés précédemment. Heureusement il y a toujours du travail.
Pourquoi aller au cinéma ? J’y suis chaque jour avec le journal de bord du Makay ! J’ai l’impression de suivre les événements (presque) comme si j’y étais, les yeux qui luisent dans l’obscurité, les crocodiles, les pirogues, manque juste le bruitage ! Que je peux imaginer, d’ailleurs, le bruit de la pluie sur les tentes, le glissement des serpents dans les herbes… des couinements insolites, les chants des crapauds. Tout un univers se déroule sous mes yeux que je regarde se déployer sans en avoir les inconvénients. Mais sans ressentir la bouffée d’allégresse de qui a marché des heures sous un soleil d’enfer et découvre soudain à ses pieds, un paysage à couper le souffle…
Les photos à couper le souffle permettent d’admirer le spectacle, en même temps de percevoir le travail du feu dans ses effets dévastateurs, une terre par moment luxuriante, par moment ravinée, étique et calcinée. Ce feu qui est un thème rémanent, obsédant, du journal de bord. Le feu est un élément fondamental de notre humanité, à la fois sacrificateur et purificateur, symbole de tellement de choses, comment découvrir quelles sont les vraies raisons de ces actes de vandalisme ? Signe de l’appropriation d’un lieu, ignorance, inconscience, économie de brigandage, croyances fondées sur des usages anciens ou vice-versa ? Un mix !
Ici, à Paris, froid et humidité, peu de mousses à signaler et aucun saurien à l’horizon.
Bonne route pour demain et bonne nuit