Premières rencontres à Beroroha

A l’image de la publicité pour l’ADSL diffusée il y a quelques années à la télévision, nous avons fait la première partie du trajet entre Tana et la Makay avec en tête cette question : « la vitesse vous manque ? ». En résumé, pas moins de 10 heures pour parcourir les 416 km qui séparent Tana de Fianarantsoa. Tout s’organisait pour que nous ayons un 4×4 confortable et flambant neuf tout droit sorti du garage d’un sénateur, mais un changement de dernière minute bien local a troqué notre carrosse contre un véhicule de plus de 20 ans avec seulement 3 sièges à l’avant ! Celui qui hérite de la place au centre a, en plus, le levier de vitesse entre les jambes. Les ceintures de sécurité pendent le long des montants, mais il n’y a plus rien entre les sièges pour les boucler. Nous voilà donc parti.

Très vite, vu l’état de la voiture, nous nous sommes réjouis qu’elle n’aille pas plus vite. Nous avons tout de suite remarqué que les grands mouvements de volant pour éviter les nids de poule sur la route n’avaient en fait que très peu d’effet sur la direction de la voiture !

Après une courte nuit à Fianarantsoa, nous retrouvons Max et changeons de voiture. Le rythme sur la route sera, à partir de maintenant, très différent, nous arrivons le soir même sur la rive sud du Mangoky, il est alors plus de 20h. Après quelques sifflements et appels de phare codés, les gens du bac comprennent que c’est Max et qu’ils doivent venir nous chercher bien que le service de bac soit fermé depuis le début de la nuit (18h). Ce n’est pas le bac que nous voyons arriver quelques minutes plus tard mais une pirogue. Quelle joie de retrouver Didier, un des porteurs de la mission de janvier, ça discute, les mains se serrent, tout le monde est plutôt content de ces retrouvailles. Une grande perche servant à la propulsion des pirogues est plantée verticalement dans le sable et retient la pirogue, c’est son frein à main. Le courant pousse doucement la pirogue, la perche prend de l’angle et c’est la chute dans le noir. C’est sur ma tête qu’elle tombe en faisant un grand crac, je n’ai rien vu venir, je suis un peu étourdi mais tout va bien ! Max ajoutera que ce n’est pas de chance, ils ont pris la perche de « crue », plus longue et de plus gros diamètre que les perches qu’ils utilisent habituellement à cette saison, ce n’est pas de chance.

Nous dormons le soir même dans la maison de la maman de Max, une bonne nuit, et nous voilà déjà vendredi matin. Je pars avec Max faire un tour du village à pied, nous croisons beaucoup de monde, nous saluons, expliquons pourquoi nous sommes là, visitons, prenons des rendez-vous, saluons encore, etc. Ce tour nous aura permis de faire « l’inventaire » des infrastructures de la petite ville de Beroroha de près de 3000 habitants, première ville au nord du Mangoky que l’on traverse quand on se dirige vers le Makay. L’eau ne coule dans le réseau de la ville que de 14h à 19h, la raison est simple, tous les robinets restent ouverts pour indiquer aux gens quand l’eau arrive, et le réseau est tellement mal entretenu qu’il y a beaucoup de fuites. Impossible donc de laisser l’eau couler dans les canalisations sans vider le château d’eau chaque jour (l’eau pour le remplir est pompée directement dans la rivière Makay par une motopompe électrique, aucun traitement n’est appliqué).

Visite du chateau d'eau de Beroroha par l'équipe Naturevolution, Makay, Madagascar

L’électricité n’est disponible que de 9h à minuit, un technicien de la Jirama joue sur 3 groupes électrogènes pour fournir l’énergie nécessaire aux cases raccordées, la régulation est empirique et fonctionne plutôt bien. Nous saluons le maire, passons voir l’adjoint au chef de district pour prendre rendez-vous afin de lui présenter le projet et nous assurer de son soutien, et croisons des petits jeunes porteurs de multiples projets au sein de l’association « 3A » récemment créée. Ils visent des objectifs multiples allant de la mise en place de site de conservation jusqu’à la promotion de nouvelles méthodes d’agriculture en passant par la promotion de l’identité culturelle de la région… Là aussi nous prenons rendez-vous pour le lendemain, histoire de se poser autour d’une table pour discuter de tout cela. Nous achevons notre tour par la visite d’un terrain potentiel sur lequel nous pourrions, comme cela est prévu dans notre projet de conservation, installer quelques infrastructures pour recevoir les premiers éco-touristes (bungalows, aire de camping, bureau d’accueil).

Nous croisons pendant cette journée beaucoup de monde, cela fait partie de nos objectifs. Nous expliquons en quoi pourrait consister les premières étapes du projet de conservation, précisons comment nous souhaitons que les revenus issus de l’éco-tourisme et des diverses activités que nous pourrons mettre en place soient répartis et recueillons les premiers souhaits des habitants de Beroroha. Nous nous rendons compte du décalage qu’il y a entre l’approche collective que nous souhaitons mettre en place et l’intérêt de certaines personnes directement intéressées par ce qui va se mettre en place. Ce qui nous a le plus amusé est certainement le retour d’une personne de Tsivoky (village à 70 km au nord de Beroroha, point de départ pour le camp de base de la mission de novembre et décembre derniers) qui a dit « les vazahas (les blancs) fabriquent les billets donc pas de problème pour eux ». Nous rapprochons cette remarque de celle que nous avions eu l’an passé lorsque certains semblaient persuadés que nous faisons la pluie et le beau temps (au sens propre) pour la simple et bonne raison que nous avons été capables, après une analyse rapide du ciel, de prévoir le temps du lendemain !

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