Ce n’est pas la fin mais ça en a le goût

Bernardin, porteur de l'équipe dans le massif du Makay, Madagascar

Malheureusement, pour la petite équipe regroupée deux nuit durant sur le camp 4, c’est déjà l’heure du retour au camp de base. A 7h du matin, tout le monde est sur le pied de guerre. Tous, sauf nos porteurs d’ordinaire conciliants et agréables, qui jouent ce matin à nous faire tourner en bourrique. L’objet? Le poids des sacs bien sûr. Ce genre de passage délicat est très habituel au moment de la distribution des sacs. Il y a ceux d’entre nous qui en ont l’habitude et ceux qui n’aiment pas du tout ça. Il y a ceux d’entre eux qui rigolent et ceux qui ne disent rien et qui se cachent… Entre autres entourloupes, je vous cite ceux qui tentent de partir le plus vite possible sans attendre que tous les sacs aient été distribués et équilibrés… Bref, c’est toujours l’occasion d’une petite hausse de ton et d’un recadrage qui peut aussi bien s’avérer efficace sur un groupe de dix porteurs comme nous avons là que totalement inutile sur un groupe de cent porteurs comme nous avions lors de l’expédition précédente. Bruno, nouveau dans ce genre d’exercice en perd son sang froid et démarre la journée comment dire… un tantinet sur les nerfs!

La descente est comme prévu plus rapide que la montée mais les corps sont fatigués et réclament une pause. Ça tombe bien, nous venons de rejoindre un affluent sur la droite après tout juste une petite heure de marche les pieds dans l’eau fraîche. Le groupe se sépare. Jessica part avec les porteurs rejoindre le camp, tandis que tous les autres restent là pour étudier un peu les environs de ce nouveau petit paradis. Imaginez un petit mur rougeâtre d’une dizaine de mètres de hauteur couvert de draperie de fougères, de mousses et de sphaignes toutes plus vertes les unes que les autres, le tout rendu luisant par le passage d’une cascade d’eau limpide qui rejoint au fond une vasque aux formes douces. Voilà pour le décor!
La réalité est moins romantique. Tout autour c’est le désert, comme s’il ne subsistait que cela d’un paradis autrefois immense. Tout est brulé. Plus un arbre. Rien qu’une herbe de plus en plus clairsemée et quelques iguanes vifs comme l’éclair, imperturbables malgré les raids de chasse à l’élastique menés par Nicolas.

Autant dire que tous nos amis chercheurs ont vite fait le tour de ce site. Et ceux qui auraient le plus à faire voient, à l’image de Jean attaqué par 6 guêpes en plein visage, leur journée leur passer sous le nez. Il est sacrément secoué. Le soleil de plomb assomment les autres. Restent Catherine et Christian qui trouvent ici dans ce minuscule terrain de jeu, tout leur bonheur. Bruno et moi en profitons pour tourner une séquence sur les fougères.

Dalle de gré, Makay, Madagascar

Vers midi, la procession reprend son chemin et rejoint avant l’orage le camp de base au bord du Mangoky.

Bruno et moi restons quelques heures de plus pour ajouter des plans esthétiques au documentaire. Des heures de mise en place pour quelques secondes de belles images. Puis l’idée farfelue de filmer une progression très aquatique dans l’étroit canyon en aval repéré avec Nicolas quelques jours plus tôt, émerge. Il s’agit de descendre avec nos sacs remplis de nos appareils photos et objectifs couteux dans l’eau et de réaliser quelques images d’action. La séance est agréable. A l’ombre des 40° extérieurs, nous sommes au frais dans l’eau. Mais le terrain sous nos pieds dans cette eau marron, est loin d’être stable. Concentré sur l’image, le sac sur la tête, de l’eau jusqu’au cou, j’avance encore et encore avec prudence, jusqu’au pas de trop. Soudain, il n’y a plus rien sous mes pieds. Incapable de soutenir mon sac tout en nageant, je coule littéralement et mon sac prend un bain. Quelques mouvements désespérés plus tard, je n’ai toujours pas pied mais je réussis tant bien que mal à faire tenir mon sac sur un des flancs du canyon, tout en battant des jambes le plus fort possible. Je ne vais pas tenir longtemps comme ça. Bruno arrive à ma rescousse mais plus petit que moi, perd pied également sans avoir pu toucher mon sac. Nous voilà bien ! Sortant de ce mauvais pas, nous décidons de rentrer au camp. Bien nous en prend car sur le chemin, la pluie fait son apparition. Une pluie d’abord bretonne puis tropicale. Ce que nous avions réussi à ne pas mouiller dans notre intrépide aventure aquatique, se retrouve trempé en quelques secondes. Nous avec! Nous croisons une famille qui remonte la rivière, pieds nus, presque sans habits, sans sacs. Que font-ils, où vont-ils, nous ne le saurons pas. L’homme tient dans sa main un morceau d’écorce dans lequel se consume quelques braises. Les gardent-ils pour son repas ou pour mettre le feu sur son passage, nous ne le saurons pas non plus. Impossible de communiquer malheureusement.

De retour au camp, l’ambiance est morose. Nicolas, les porteurs et les piroguiers qui nous ont déjà rejoint pour partir à l’aube demain matin décident de lancer un concours de bras de fer. Nicolas se surprend à battre 5 locaux de suite avant de se faire laminer par le Mike Tyson du coin. Les rires fusent. Les gros bras sont conviés. Je me retrouve contraint et forcé, face au vainqueur de Nicolas. Je n’ai jamais fait un bras de fer de ma vie et j’avoue ne pas en avoir envie mais poussé par l’ambiance, je gagne miraculeusement mon duel. A qui le tour? Gloups, il y en a bien un qui est plus costaud auquel je n’avais pas pensé. Je n’avais jamais pris conscience à quel point il est taillé le Max. Disons que dans un cas pareil, j’étais perdant d’avance. Ancien légionnaire, massif, expérimenté sans doute, il est mort de rire lorsqu’il s’assoie. Moi aussi du reste, je sais ce qui m’attend. Ni une ni deux, me voilà le bras retourné sur la table en plastique.

C’est l’heure du repas, le dernier sur ce camp, le dernier dans le Makay.

Bras de fer pendant l'expédition, Makay, Madagascar

2 réflexions au sujet de « Ce n’est pas la fin mais ça en a le goût »

  1. Evrard, vous n’avez jamais peur de rien ?

    J’espère que vous êtes heureux de votre expédition et que les résultats seront à la hauteur des efforts déployés par toutes les équipes du Makay, j’ai beaucoup appris grâce au Journal de Bord, merci pour ce voyage que vous nous avez permis de faire en votre compagnie

    • Bonjour Anne,
      de retour à Tana, je me permets de vous répondre de vous remercier infiniment pour tous vos messages que nous avons lu avec beaucoup de plaisir chaque jour.
      Je suis effectivement très heureux de cette expédition. Bien entendu, tout n’est pas rose mais l’équipe était fantastique, l’entraide générale, l’enthousiasme permanent… et les résultats sont là. C’est une bien belle moisson que nous avons faite ces dernières semaines et qui vient compléter les beaux résultats de la mission de novembre-décembre. Le nombre de nouvelles espèces collectées est extraordinaire et j’en suis très fier.
      Je suis convaincu que nous avons aujourd’hui tous les arguments possibles pour faire de ce Makay, la prochaine Aire Protégée de Madagascar. Mais il reste encore beaucoup de travail.
      Bien à vous,
      Evrard

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