Jour 10 – Rencontre avec des chasseurs et traversée dans les herbes hautes

On est partis du camp et on s’est laissé flotter très tranquillement pour arriver à 10h à la confluence avec un autre gros affluent.

Il y avait des petits passages ou il fallait sortir des bateaux, franchir un tronc, ou bien il fallait tirer un peu sur les rochers parce que ça frottait un peu trop, mais rien de très compliqué. 

Tellement pas compliqué qu’Antoine avait tellement mal aux pieds, qu’il avait envie d’enlever ses pompes et d’être tranquille. Deux rapides plus loin, il y a un petit couac d’itinéraire pour lui, il s’est retrouvé dans le courant qui  l’emmenait vers un tronc d’arbre trop bas, 20 cm au dessus de l’eau, il est passé sous le tronc, le bateau s’est retourné, il était sans chaussures, et la pagaie est partie, le bateau est resté coincé, il a fallu un peu se précipiter. Il a réussi à se rattraper à quelque chose sans se faire mal aux pieds et on a réussi à récupérer le bateau. En enlevant le bateau, le zip arrière s’est ouvert intégralement d’un coup, le bateau s’est vidé d’air, et ça nous a permis de le faire passer sous le tronc d’arbre, parce qu’il y avait trop de force d’eau pour le passer par dessus. 

J’ai dû réparer mon bateau une deuxième fois parce que la réparation de Kendari n’a pas tenu. Celle d’hier matin n’a pas bien tenu non plus, le sol était plein de sable et de boue, donc la surface sur laquelle j’ai mis le patch n’était pas lisse et propre. 

On a continué notre navigation, on a vu un babi, un aigre de Sulawesi, plusieurs hydrosaures, un varan, un très bel oiseau avec une petite bosse sur la tête, pas très grand, marron et vert profond. 

Un peu plus loin on a sorti le drone parce qu’on était proches de la fin de la partie de navigation, et on est tombés par hasard sur une petite cahute, un petit amoncellement de bois qui montrait qu’il y avait eu un passage humain récent, et 1km plus loin on est carrément tombés sur une petite case, une structure en bambous avec des bâches bleues. 

Dessous il y avait 4 gars qui étaient forts sympathiques, ils nous ont accueillis avec un grand sourire, ils étaient très contents de nous voir, ils nous ont donné du poisson cuit. 

Ils étaient en fait en train de chasser des biches. Il y en avait 5-6 dans des enclos. Ils restent ici pendant un mois, ils en collectent, ils mettent plus d’une centaine de pièges dans la forêt. Tous les matins ils font une ronde pour récupérer les animaux. 

Normalement ils peuvent en avoir jusqu’à 14. Ils fabriquent leurs propres enclos avec des bambous. On leur a demandé comment ils venaient jusque là. Ils mettent 5 jours et 4 nuits pour venir à pied, puis ils mettent une nuit et deux jours de descente en radeau qu’ils fabriquent en bambous, sur lequel ils mettent les enclos avec les biches et ils descendent là dessus un parcours pas évident, puisque ce sont des rapides. Ça doit être sacrément impressionnant de les voir sur leur radeau.

Ils vendent un animal 8 millions de roupies. Les poissons qu’ils nous ont donnés, étaient pêchés à la pêche électrique. C’est très probablement illégal ici comme dans beaucoup d’endroits du monde, de même que le braconnage de biches. 

Biches locales dans les enclos des chasseurs

Imé avait bien envie de rester là bas parce que c’était sympa, il y avait du poisson, mais notre chemin s’arrêtait pas là, on a fait encore 1 ou 2 km de plus pour arriver au bord de l’immense zone ouverte en forme de triangle sur la carte, une grande prairie. On a fait sécher nos affaires, fait un lunch rapide, et puis empaqueté toutes nos affaires pour partir à travers cette savane pour rejoindre la rivière Lasolo où on envisage de faire un campement pour plusieurs jours parce qu’on a tous des mycoses qui se sont bien développées partout, sur les pieds principalement. Antoine en a également sur les genoux. 

Comme ça met beaucoup de temps à guérir, il va falloir qu’on reste calmes pendant quelques jours sur le prochain camp. 

J’espérais que ça serait une jolie prairie avec de l’herbe pas très haute et qu’on pourrait marcher à vitesse normale, mais ça n’était pas le cas. C’était des herbes plus hautes que nous, très denses, et c’était très épuisant de progresser dedans. Il faut lever les jambes très haut, les rabaisser, perdre l’équilibre, réussir à sortir le pied d’avant qui s’est enfoncé dans les herbes. C’est un peu comme dans une grosse poudreuse. 

On a avancé par sixième, en suivant la découpe naturelle, parce qu’il y avait des petits cours d’eau qui parsemaient le chemin. Le premier des sixièmes s’est relativement bien passé, mais on s’est rendus compte qu’Ime était très lent. 

Le deuxième s’est fait plus rapidement, une portion d’herbe avait été brûlée. 

On s’est arrêtés sur une petite colline et on a attendu Ime pendant très très longtemps, tellement longtemps qu’on a perdu espoir dans le fait de pouvoir arriver au bout le jour même. Donc on lui a enlevé le bateau et un double sac de nourriture pour lui enlever 10kg et qu’il puisse avancer un peu plus vite. 

Mais nous nous sommes alourdis et la portion d’après était absolument infâme avec des herbes vraiment hautes quasiment tout le long et de plus en plus à mesure qu’on traversait la forêt. La seule véritable forêt qu’on traverse. 

On est arrivés à la lisière de cette forêt exténués, et il était 18h, la nuit était presque déjà là. On a entendu heureusement de l’eau donc on a tracé directement presque tout droit dans la pente pour atteindre l’eau. On a trouvé une jolie petite terrasse sous des bambous. On est au bord de l’eau, très contents de pouvoir poser les tentes. 

Le seul truc qui nous désespère un peu c’est qu’on a fait que la moitié du parcours de cette prairie, et que vraisemblablement demain le chemin va être aussi long. 

On souffre pas mal des pieds, surtout Jamil qui a carrément des difficultés à dormir d’après ce qu’on a compris. 

Pour ceux qui ne connaîtraient pas les mycoses, c’est un champignon qui se développe sur la surface de la peau qui bouffe les premières couches d’épidermes. Ca fait comme des petits cratères au départ et ils se relient les uns aux autres et ça finit par faire une sorte de plaie ouverte qui n’est pas profonde mais qui est brûlante. C’est comme si on était écorchés, et comme ça se met partout, sur le dessus et le dessous des pieds, sur tout ce qui est humide et chaud et où il y a du frottement, donc dès qu’on remet les chaussures c’est l’enfer. 

Ce matin on va tenter des petits bandages pour éviter qu’il y ait des frottements. Ça va peut-être permettre de faire les deux heures de marche un peu plus correctement. 

Le pied d’Ime va mieux, hier il arrivait à marcher presque normalement. Les deux jours de packraft lui ont sans doute fait du bien. 

Poursuivez votre lecture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

5 × 3 =