On s’est réveillés de cette horrible nuit en réfléchissant, voir ce qu’on pouvait faire malgré la perte de nos affaires. Voir si on pouvait pas trouver quand même deux trois trucs un peu plus loin. L’eau est descendue pas mal, elle n’a pas retrouvé son niveau de la veille mais elle a perdu au moins 1m40. Cela nous a permis de voir que mon bateau était toujours là, de retrouver un slob dans les buissons un peu plus loin et deux pagaies.
L’ambiance était morose, on a pris notre petit dej on a plié les affaires et j’ai proposé de descendre au campement de John Lin, la grosse compagnie agroalimentaire qui veut exploiter les zones ouvertes pour faire de la canne à sucre. Ils ont plusieurs campements, ils sécurisent les zones avec des policiers, ils se sentent et sont propriétaires des terrains en question, ils verrouillent le passage, et il faut demander leur autorisation pour tout etc. C’est un peu abusif mais c’est comme ça.
Je pensais qu’on pourrait y retrouver une pirogue et qu’en descendant on pourrait leur demander la pirogue pour remonter chercher les quatre autres amis. C’est ce que j’ai fait, j’ai chargé un max le bateau avec toutes les affaires de tout le monde pour que les autres n’aient plus que leur petit sac à dos avec réchaud, barres de céréales et coupe-coupe. Je suis parti sans savoir comment allait être la navigation. Ca bougeait pas mal, il y avait deux rapides avec des bonnes vagues et j’étais très lourd parce que les boudins étaient remplis de matériel, donc je m’enfonçais dans chaque vague, je me suis retrouvé dans une baignoire, mon appareil photo trempait dans l’eau. Quand tu es comme ça tu n’es pas du tout manoeuvrant, c’est un peu inquiétant, tu n’es pas du tout à l’aise, tu ne peux pas tourner ou réagir rapidement et facilement. L’eau te déstabilise beaucoup alors qu’avec un packraft bien gonflé tu flottes vraiment par dessus.
Je suis quand même arrivé à ce fameux campement. J’ai été accueilli par le capitaine du coin et on a papoté un petit peu, autant que possible en Indonésien et je leur ai demandé s’ils pouvaient m’amener en pirogue. Heureusement, ils savaient qu’on était là parce qu’il y avait deux piroguiers qu’on avait déjà vu quelques jours plus tôt, ils les avaient prévenu qu’on allait arriver, ça a été plus facile grâce à eux.
J’ai posé les affaires sur la berge, j’ai dégonflé le packraft je l’ai mis sur la pirogue et je suis reparti avec les deux piroguiers, pour aller chercher les quatre autres. On est remontés quelques dizaines de minutes et on est tombés sur Jamyl et les autres qui étaient bien contents de nous voir arriver. Ils avaient commencé la descente à pied comme prévu. Ils avaient dû faire un quart.
On les a récupéré, moi j’ai regonflé mon bateau et je suis descendu tout seul, tout léger, derrière la pirogue qui elle, a tracé directement au campement. On s’est retrouvés vers midi sains et saufs tous ensemble au campement, une espèce d’énorme hangar métallique fait de grands conteneurs. Amené par un semi remorque à l’époque de la route, faite en 2017-2018 par John Lin, qui souhaitait exploiter la zone plus loin, mais les conflits avec les villageois ont stoppé l’aventure pour l’instant je n’en sais pas beaucoup plus. Je n’arrive pas à obtenir les infos. Mais c’est un conflit d’usage du territoire, et notamment de ces fameuses prairies plus haut, où il y avait des ancêtres qui vivaient là, dans ces villages qui ont disparu dans les années 1960.
Cet immonde campement nous a quand même bien servi. On a essayé de communiquer avec le capitaine, de lui demander si on pouvait être récupérés ici. Il nous a expliqué qu’Imut n’allait probablement pas réussir à arriver jusque là parce que la piste est complètement défoncée et que même en moto c’est une grosse galère. Pas moyen de monter à deux sur une moto.
On a commencé à échafauder les différents plans, mais le capitaine n’avait pas vraiment de solution idéale. On a attendu et vers 16h45 un gars est arrivé, envoyé par Imut qui avait bel et bien pris la voiture pour atteindre le maximum qui pouvait être atteint en voiture sur cette route, et elle a rebroussé chemin et laissé un 4×4 en haut avec un chauffeur et un gars du coin. Les deux sont venus nous saluer et nous dire que tout allait bien pour eux et qu’ils étaient contents pour nous, même s’ils étaient au courant via satellite.
Demain, les trois Indonésiens vont marcher une dizaine de km pour retrouver le 4×4 au col, et ensuite ils vont filer vers le village. Et nous, parce que j’ai espoir quand même qu’on arrive à retrouver les deux bateaux qui nous manquent, nous allons repartir avec Antoine. Au moment où la pirogue est redescendue, ils ont vu quelque chose dans les fourrés, et c’était le bateau rouge que je n’avais pas du tout vu avec mon packraft la première fois. Nous en avons deux sur les 4, ainsi que deux pagaies, deux casques et deux gilets, ce qui fait que j’ai proposé à tout le monde si il y en avait un qui voulait bien descendre avec moi sur la Lasolo, sur la dernière journée pour rejoindre le village par la rivière, ce qui nous
permettrait éventuellement de tomber par miracle sur un ou deux bateaux. On va croiser les doigts.
On nous dit de faire très attention, parce qu’il y a certains rapides qui sont très dangereux, avec des rappels, des rouleaux qui te maintiennent dans le rouleau en permanence, d’où tu ne peux pas sortir. On va essayer d’éviter ce genre de désagréments. Et on nous a parlé de crocodiles sur la partie basse de la rivière, ce qui fait bien flipper tout le monde, c’est toujours assez drôle.
On a poireauté tout l’après-midi, on a lavé deux trois trucs, fait sécher les tentes. Demain départ assez tôt, 6h30 pour les uns à pied, et pour les autres en bateau. Ce soir on a pris un dîner local, riz, nouilles et deux légumes du coin dont un qui a goût aux choux de bruxelles, mais la texture d’une mini courgette toute ronde. Il y avait la télévision, ce qui fait très bizarre après tout ce temps et surtout au milieu de cette jungle.
On s’endort dans une ambiance beaucoup moins calme et agréable que celle de la forêt qu’on a eu ces 15 derniers jours. On est sous ce fameux hangar métallique avec un groupe électrogène qui coupe les bruits de la nature.
Si tout va bien, demain après-midi on se retrouvera tous au village et là ça sera vraiment la fin de l’expédition.
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