Nous décidons d’explorer la grotte découverte la veille, d’abord par Sultan et Cydney qui partent devant avec tout l’équipement. Ils reviennent 30 minutes plus tard en nous expliquant qu’un accès à pied est possible. De grandes chauves-souris ont élu domicile dans la grotte. J’y vais avec Diego. L’accès que j’avais repéré la veille est effectivement accessible. Il nous amène au centre d’un grand effondrement qui devait être à l’origine une salle gigantesque. Une pente de terre sur un éboulis nous permet d’accéder au fond de la grotte. Les dimensions sont imposantes mais le développement est court (30 m environ). Il n’y a pas d’indices directs de présence humaine. Simplement des charbons en grande quantité que nous retrouvons dans l’épaisseur du sol. Au bout de la salle, au terminus de la diaclase, nous repérons un accès supérieur. Nous nous y engageons. L’ensemble est instable car constitué de boue calcifiée superficiellement. Un court passage en méandre montant donne accès à une grande salle constituée d’un imposant puits (20 – 30 m de haut) qui descend plus bas que la salle principale. Sur le pourtour un plancher calcifié et des concrétions permettent de se déplacer un peu. On voit clairement que cette salle a été remplie de sédiments à une certaine époque avant d’être vidée par la suite ne laissant que des reliquats situés à notre hauteur. Il nous faudrait l’équipement spéléo pour descendre. Nous n’avons pas vraiment le temps. Nous apercevons ce qui semble être une petite galerie en contrebas, mais certainement rapidement colmatée vu la quantité de sédiments. Les indices repérés indiquent que le creusement est relativement ancien, qu’il s’est arrêté à une période durant laquelle des dépôts sédimentaires ont eu lieu dans cette deuxième salle et des concrétions ont eu l’occasion de se former. L’eau s’évacuait alors par le petit méandre d’accès que nous avons emprunté et devait aller dans la première salle. Celle-ci était probablement complètement souterraine à une époque avant qu’un effondrement ne la recouvre partiellement et donne accès à la surface. Le réseau d’eau passait certainement sous l’éboulis actuel. Des changements climatiques (réchauffement) ont probablement entraîné l’évacuation des sédiments de la seconde salle. Des charbons ont été retrouvés dans les sédiments restants de la seconde salle (est ce que ceux de la première salle viennent de l’évacuation de ces sédiments ?). Charbons liés à des feux de forêts ? A une activité anthropique sur les zones entourant la cavité ? Ces charbons sont probablement très anciens du fait de leur localisation dans les sédiments de la seconde salle.
Après l’exploration nous reprenons la marche. Nous traversons la zone de plat en amont de la grotte puis suivons un cours d’eau à sec pour monter en altitude. Celui-ci donne ensuite sur une vallée plus large et facile de progression. Nous allons alors beaucoup plus vite que les jours précédents. Malheureusement cette belle vallée se transforme rapidement en terrain hostile et prendra le nom de « Lembah Linta », la vallée des sangsues. La pluie s’installe durablement, les moustiques et les moucherons n’arrêtent pas de nous attaquer mais le pire reste les sangsues. Des centaines et des centaines d’entre elles, excitées par la pluie, s’accrochent à nos vêtements, entrent dans nos chaussures, se repaissent de notre sang en passant partout où elles le peuvent. Régulièrement nous devons nous arrêter pour se les enlever mutuellement dans le dos, le cou, le ventre, les jambes, les chevilles. Partout. L’avancée est rendue très fatigante et est psychologiquement de plus en plus difficile à tenir. La vue de la moindre sangsue rend toute l’équipe fébrile. L’endroit repéré par Diego sur la carte pour monter le camp est malheureusement un sommet constitué uniquement de lapiaz. Nous finissons par nous poser un peu plus loin sur une zone en partie en pente. La nuit tombe, la pluie est battante. J’ai du mal à bouger, je suis proche de l’hypothermie et le poids psychologique des parasites devient intenable. L’équipe nous aide à monter notre tente sous la tarpe puis celle-ci est déplacée pour protéger les équipements. Nous nous débarrassons de nos affaires dehors puis partons en bataille contre les quelques sangsues qui auraient réussi à entrer dans la tente. Diego, Cydney et Sultan se font à manger dans leur tente puis nous apportent réchaud et nouilles pour que nous faisions de même. Nous nous couchons dès que possible mais la nuit est très froide et la tente en pente. Le repos n’est pas au rendez-vous.
Du 21 décembre 2024 au 4 janvier 2025, Naturevolution vous propose de participer à l’une des expéditions Wallacea Expeditions en compagnie d’Evrard Wendenbaum !
Pendant 2 semaines, autour du massif de Matarombeo à Sulawesi (Indonésie) vous accompagnerez une équipe scientifique dans l’exploration de sites encore inexplorés.