Lavaka est un mot malgache qui signifie littéralement grand trou et qui est devenu le terme international pour décrire les spectaculaires ravines rougeâtres qui entaillent largement les paysages malgaches notamment sur les Hauts Plateaux.
On en dénombrerait jusqu’à 25/km2 dans certaines région. Ils endommagent les infrastructures routières notamment, arrachent des pans entiers de pâturages et produisent des quantités de sédiments qui recouvrent et dévastent les terres agricoles dans les vallées.
Formées par les eaux souterraines dans un processus de sape qui s’attaquent à la couche de sol friable et entraînent les éléments érodés vers les zones de dépôts (méandres, estuaires …), ces formes d’érosion ont une taille moyenne de 80 mètres de long pour 40 mètres de large et 15 mètres de profondeur. En forme de goutte d’eau inversée avec une large paroi verticale en amont et une sortie aval étroite, profonde et à fond plat.
Les lavakas se forment dans des zones où :
- Les pentes sont raides et convexes
- L’altitude est d’environ ≈1000m
- Le substrat géologique est constitué de roche cristalline contenant une large proportion de feldpaths et autres minéraux solubles
- Une couche de quelques dizaines de mètres d’épaisseur de saprolite est présente (roche totalement lessivée, friable et décomposée, surmontant parfois la roche d’origine, dure, à la suite de l’altération chimique due à l’action du climat, de l’eau ou l’action hydro-thermale, sans avoir été transportée.)
- La couche de saprolite est surmontée par une couche de 0,5 à 1 m de latérite dure (sol tropical hautement oxydé et lessivé)
- Le climat est de mousson avec une longue saison sèche et une longue saison de pluies torrentielles
- La température moyenne du mois le plus froid ne descend pas en dessous de 10°C
- Il y a une substantielle activité sismique (même de faible intensité)
Lorsque ces conditions sont réunies, il suffit que la terre soit gorgée d’eau et que se produise une légère secousse sismique pour que la couche entière de saprolite et de latérite se liquéfie et s’effondre.
Bien qu’elles soient le plus généralement imputées à la déforestation, au surpâturage et à la construction de routes, il n’y a pas de consensus à l’heure actuelle sur la genèse de ces ravines, anthropogéniques pour certains experts ou bien formées naturellement pour les autres.
Une étude récente a montré que bien que les lavakas semblent jeunes, la plupart d’entre eux ne le sont pas. Sur un échantillon de 240 lavakas visibles en 2004, 227 étaient déjà existants sur des photos aériennes datant de 1949, ce qui signifie que l’augmentation du nombre de lavaka dans cette région n’a été que de 0.08%/an. Cette même étude a montré que les vieux lavakas n’avaient pas grandi significativement depuis 1949 et que leurs parois étaient restées verticales et libres de toute végétation. Des photos aériennes ont aussi révélé des lavakas anciens dans des zones récemment déforestées, ce qui semble indiquer que ces zones ont été modelées par l’érosion avant l’apparition des forêts humides ; la datation au carbone 14 indique que certains lavakas remontent à plus de 20 000 ans, ce qui veut dire qu’ils auraient existé avant l’arrivée des premiers hommes sur la « Grande Île » il y a moins de 2 000 ans.
Une autre étude a montré des vitesses extrêmement rapide d’érosion dans les lavakas, produisant une masse de sédiments considérable dans un temps relativement court. L’un d’eux, initié en 2002 se serait agrandi en l’espace de deux ans de deux lobes de chacun 50m de long pour 12 mètres de large et 15 mètres de profondeur. Le volume ainsi excavé de ce seul lavaka aurait donc été approximativement de 10 000 m3 durant cette courte période. Mais il a été aussi observé une diminution très rapide du taux d’érosion avec le temps, celui-ci passant de 1300 m3/mois la première année à 450 m3/mois l’année suivante. Les volumes de sédiment produits déclinent ainsi de manière exponentielle pour garder un niveau minimum durant des dizaines d’années. Ces sédiments proviennent principalement d’effondrement de petits morceaux des parois supérieures probablement sous forme de boue ou de petits débris.
Partant de ces observations, les experts ont donc découvert récemment que les lavakas atteignent rapidement un stade de développement maximum et se stabilisent ensuite. L’analyse ne permet pas de préciser le temps nécessaire pour que les lavakas deviennent inactifs, perdent leurs parois verticales et redeviennent des dépressions propices au développement de la végétation. En revanche, elle permet de briser une idée reçue largement diffusée. En effet, bien que quelques lavakas soient évidemment imputables aux activités humaines, il est clair que l’hypothèse alarmiste d’un développement des lavakas uniquement anthropogénique est largement infondée.
Bibliographie
- The lavakas of Madagascar : Setting the record straight (Geological Society of America, 2005)
- Geological versus human controls on lavaka formation and extreme erosion in Madagascar (Geological Society of America, 2004)
- Geological controls on development of erosional gullies (lavaka), Central Madagascar (Geological Society of America, 2003)
- Seismic control on location of Lavakas (Midslope Gullies) in Madagascar (American Geophysical Union)
- Rates of Lavaka formation in Central Madagascar (Geological Society of America, 2005)
- Just how fast does Madagascar erode? Evidence from 10BE analysis of lavaka, slope, and river sediment (Geological Society of America, 2006)