Miel du Makay – Blog Episode 7 – Novembre-Décembre 2023

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Des transports toujours difficiles…

La préparation de la saison haute au nord du Makay étant quasiment terminée, il faut faire de même au sud, à Beroroha.

Comme d’habitude, l’aventure commence toujours par un long déplacement qui s’avérera épique. Cette fois-ci, point de 4×4 dédié à l’équipe Naturevolution. Pour une seule personne, ce serait du gaspillage d’argent et une aberration écologique. Après 15 heures de taxi brousse entre Antsirabe et Ranohira, il faut trouver un 4×4 brousse pour les 150 km de piste jusque Beroroha. La distance est grande et il vaut mieux tomber sur un bon couple chauffeur-véhicule. Malheureusement, le choix est faible, alors on prend ce qui vient. Aujourd’hui, c’est Tatafara qui part. Rendez vous à 8h00, puis 9h00, puis 12h00, puis on ne partira peut-être pas s’il n’y a pas assez de monde… Finalement, nous partons à 15h00 en étant une douzaine dans la voiture. Ouf ! Mais déjà une journée de perdue.

3 jours, 2 nuits et 150km de piste à 12 dans un 4×4 !

Les premiers kilomètres sont roulants, pourtant, après seulement 2 heures, la transmission montre des signes de faiblesse. On s’arrête, le chauffeur et son mécanicien réparent, puis on repart. La pause est salutaire pour ma part. Le bouclier thermique entre le moteur et les places passagers a été supprimé pour mieux refroidir le moteur. La chaleur vient alors sur nous… Le bidon d’essence que j’ai entre les jambes n’aide pas non plus. Le réservoir étant cassé, le moteur est alimenté directement depuis ce bidon. La combinaison chaleur-effluve d’essence donne un bon mal de crâne. 2 heures plus tard, la transmission est définitivement cassée et nous sommes coincés dans une section rocheuse très technique. Une équipe pousse la voiture, une autre la tire à l’aide d’une corde et le chauffeur essaye de faire fonctionner le 4×4 tant bien que mal. Durant 3 heures, nous lançons nos forces dans cette bataille à l’objectif insaisissable. Le prochain hameau est à 4km, autant dire inatteignable de cette manière. Finalement, les armes sont déposées à 22h00. La majorité des passagers part à pied vers ce fameux hameau. Ils ne veulent pas rester au milieu de nulle part de peur d’éventuels bandits. Nous restons à cinq pour surveiller la voiture, Tatafara, son mécanicien, un petit garçon et Jeannette, qui lance un : « C’est bien, nous sommes nombreux, chacun peut surveiller dans une direction différente si des voleurs approchent ». 10 minutes plus tard, tout le monde s’était endormi. Les « bandits » ne devaient pas être si dangereux finalement.

Le lendemain matin, nous sommes aidés par un camion de litchis nous extrayant de cette section rocailleuse. Tatafara partira ensuite à pied chercher une colline où le réseau mobile fonctionne afin d’organiser la livraison de la pièce cassée.

Il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre. Je discute avec Jeannette, qui parle très bien français, et le petit garçon, Bolo. Bien plus mature que son âge le laisse supposer. On comprend rapidement qu’il a dû apprendre à se débrouiller seul, à la dure comme on dit, et faire comme il peut avec ce qu’il a. Le plus frappant aura été de le voir se désinfecter une plaie avec l’essence du 4×4. Un rappel que nous ne partons pas tous avec les mêmes chances dès la naissance !

Dans l’après-midi, une moto arrive enfin avec la pièce et nous repartons vers 16h00. Nous savons déjà qu’il est trop tard pour arriver à destination aujourd’hui, mais au moins, nous progressons. D’autres problèmes surviennent encore, mais cet article deviendrait interminable 😊 Nous arriverons à destination le lendemain matin.


… et des températures toujours plus hautes

Je retrouve Dédé, responsable des pépinières au sud du Makay, et Tafara Paul, directeur pour le sud. Partis la veille au soir de Beronono, ils ont marché une cinquantaine de kilomètres toute la nuit pour éviter la chaleur.
Elle est d’ailleurs écrasante. Trop pour visiter tous les apiculteurs le même jour. Il fait constamment une quarantaine de degrés avec des pointes à 44°C. Le premier jour, nous partons tôt le matin à Betamenaky, avec Tafara Paul, chez Christian. Chose inquiétante, le varroa fait son retour avec un taux de 3% d’abeilles infestées sur une de ses ruches. Pour compléter, nous inspectons le couvain de mâles, préféré par le varroa pour pondre car, les alvéoles sont plus grandes et la nymphose est plus longue. Le résultat est sans appel, une invasion est en approche. Nous enlevons le couvain de mâles et lançons un traitement.

Le lendemain, nous partons à Beroroha Est avec une certaine confiance pour ma part. Nous allons traverser des canaux d’irrigation sur le chemin, ça devrait nous rafraichir. Premier canal, j’y entre joyeusement et… l’eau est chaude, voire TRES chaude ! La déception est aussi grande que l’espoir porté.

Ruche de Christian

Chez Jean de Dieu, le varroa avait été identifié quelques semaines plus tôt, mais il n’avait pas compris la gravité de l’infestation et n’a pas agit immédiatement. Sur une telle ruche, le test de comptage est intéressant, car très visuel. On voit tous les varroas tombés et ça peut être impressionnant quand on arrive à un taux d’infestation de 50% comme c’est le cas ici ! Je ne donne pas cher de la colonie, mais je n’ai pas le cœur à la sacrifier et nous démarrons un traitement. C’est peut-être une erreur d’empathie qui risque de contaminer d’autres essaims, mais j’y vois aussi une possibilité de tester la résistance du varroa au traitement.

Ça s’avérera être un bon choix. En janvier, plus aucun varroa phorétique n’est à déplorer via notre test de comptage et l’inspection du couvain de mâles est bonne. Il n’y a, semble-t-il, pas de résistance et nous avons réussi à sauver une colonie.

Pour Tojy, point de varroa, mais une colonie orpheline qui n’a pas réussi à élever une reine remplaçante d’elle-même. Il a pu demander de l’aide à Jean de Dieu afin de récupérer des œufs sur lesquels l’essaim pourra créer une nouvelle reine. C’est une double victoire : sa réaction a été bonne et il y a de l’entraide parmi les apiculteurs.

Les apiculteurs proches de Beroroha visités, il reste encore Ambalamanga. Nous partons à 3 avec Tsifantary pour m’aider sur les traductions et Dédé, qui y visitera la pépinière. Ce village est relativement éloigné, alors nous profitons d’une pirogue pour le rejoindre. Il faut s’économiser pour le chemin du retour d’une bonne quinzaine de kilomètres qui risque d’être difficile compte tenu des températures.

Sur le lit du Mangoky avec Dédé et Tsifantary

La visite avec Samba, l’apiculteur du village, tourne à la déception. Malgré les différentes formations et consignes dispensées ces derniers mois, le rucher n’est toujours pas entretenu et est dans un mauvais état. Pour ne pas améliorer la situation, les vols de miel sont récurrents ici. Samba avait laissé une ruche habitée dans sa case pour la protéger, mais elle a malheureusement été pillée par des gens de passage.

Quand bien même l’objectif de Naturevolution est de protéger le Makay en incluant les habitants du massif aux divers projets, il faut parfois prendre la décision de se séparer de quelqu’un ou de stopper un projet. Ce sera le cas à Ambalamanga pour l’apiculture.

Le matériel de ce rucher sera redistribué aux autres apiculteurs du Makay Sud qui ont montré depuis plusieurs mois plus de sérieux et de motivation.

En début de soirée, nous repartons tous les trois à Beroroha. Le soleil se couche, le vent se lève. Les grains de sable nous fouettent les mollets, mais c’est un mal pour un bien. Après toutes les mésaventures expérimentées depuis mon arrivée dans le Makay, « Ça pourrait être pire ! » est devenu mon nouveau leitmotiv. Ce vent pourrait être de face, rendant cette mini tempête de sable bien moins sympathique. Sans vent, il ferait beaucoup plus chaud. La saison des pluies tarde à venir. À la même époque, l’année dernière, nous aurions probablement été cueillis par un orage. Bref, ça pourrait être pire !

Pour ce retour, nous suivons une partie du lit asséché du Mangoky, à ma surprise :

  • « Dédé, la dernière fois, on passait plus au nord, dans les bois. On change de route ?
  • Oui, on va suivre le lit du fleuve jusqu’à Beroroha, c’est plus court.
  • C’est plus court, mais c’est aussi que du sable. Je m’enfonce.
  • T’es trop lourd, Olivier ! » me répond Tsifantary en rigolant. Moi, avec ma cinquantaine de kilos tout mouillé !

L’abeille est travailleuse, l’Homme un peu moins

Sur l’ensemble du cheptel, on note une douce reprise de l’activité. Les reines se sont mises à pondre avec plus d’intensité, le stock de pollen est bien présent, voire trop, et les abeilles arrivent à trouver du nectar. Malgré la sécheresse depuis maintenant 6 mois, quelques arbustes fleurissent. Dans de telles conditions, c’est remarquable. Il n’y a d’ailleurs pas eu besoin de nourrir les colonies dans cette région, à l’inverse du Makay Nord.

Cette reprise d’activité annonce pour nous la campagne de capture d’essaims afin d’atteindre un cheptel global de 25 ruches dans le Sud Makay. Seulement… Il y a un léger problème. Le matériel nous manque.

Dès juin 2023, après la récolte de mai, nos actions ciblaient la prochaine saison 2024 et, entre autres, la préparation du matériel. En juillet, plusieurs commandes auprès de menuisiers de Beroroha ont été lancées. L’une d’entre elles était la réparation de 11 ruches et ruchettes, le plus urgent pour faire les captures, mais en se laissant le temps puisqu’elles étaient prévues pour novembre/décembre. Sur les 11 envoyés, seulement 4 sont revenus… Au lieu d’être réparée, la majorité a été détruite par un professionnel… pas professionnel. Ce sont non seulement des coûts qu’il faut réengager, mais aussi du temps perdu. Il faut trouver un autre menuisier pour reconstruire le matériel manquant. Sera-t-il lui de confiance ? Bonne question.

Cette fois, nous donnons les modèles des différents éléments que nous voulons et passons commande. Avec un modèle, on aura forcément le résultat que nous voulons, n’est-ce pas ?

Mon travail terminé pour cette mission, je repars pour le nord du Makay. Après 4 jours de routes et autant de péripéties, me voilà au bureau de Malaimbandy pour faire une grande réunion avec Justin et Dama (apiculteurs du Nord) afin de prendre des nouvelles de chaque rucher, donner des conseils sur les soucis remontés et déclencher, là-bas aussi, la campagne de capture.

La prochaine rotation dans le Makay sera en janvier, notamment pour suivre les captures.

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