Miel du Makay – Blog Episode 2 – Avril 2023

Suivez le projet « Miel du Makay » en accompagnant le responsable de projet dans ses déplacements et missions sur le terrain.

Nouvelle mission, nouvelle destination

Nous partons cette fois pour le sud du Makay, à Beroroha. La météo est plus clémente, du moins côté pluviométrie, mais la température est encore élevée. En partant d’Antsirabe, nous empruntons la nationale 7, certes, jonchée de nids de poules, mais elle a le mérite d’être bitumée. Nous ferons même une pointe à 100-110km/h sur une section avant Ihosy ! C’est suffisamment rare pour le remarquer. Le deuxième jour, après un bref arrêt pour un ravitaillement d’essence à Ranohira, nous bifurquons sur la piste direction Beroroha. La vitesse chute considérablement. Tellement qu’il ne sera pas possible d’arriver à destination de jour. Nous décidons alors de camper en pleine brousse pour repartir en sécurité le lendemain matin, d’autant qu’il reste le Mangoky à traverser en bac, possible uniquement de jour. Cette traversée s’avèrera d’ailleurs bien pénible, non pas qu’elle soit difficile en elle-même, mais que la négociation du tarif sera longue, voire même tendue.

Nouveau responsable, nouvelles méthodes

Initialement, à Beroroha et aux alentours, nous travaillions avec plusieurs apiculteurs sous forme de partenariat. Nous fournissons le matériel, dispensons les formations techniques et aidons au suivi. En échange, les apiculteurs nous revendent leur production que nous tentons alors de revendre en France comptant sur une marge suffisante pour auto-financer les nouvelles acquisitions de matériel, les frais des missions du chef de projet, d’éventuelles formations complémentaires, la cire gaufrée, etc.

Malheureusement, l’année dernière, nous avons appris que notre responsable de projet dans le sud du Makay gardait le miel extrait pour lui sans payer les apiculteurs afin de le revendre à son compte. L’association et les apiculteurs ont été floués.

Suite à la découverte de ces agissements, le chef a bien évidemment été renvoyé et Evrard a discuté, quelques mois avant notre arrivée, avec les apiculteurs associés au projet pour remettre les choses à plat, expliquer ce qu’il s’est passé et demander s’ils étaient toujours prêts à continuer l’aventure avec nous. Naturellement, la confiance des apiculteurs envers l’association était au mieux affectée, au pire rompue et quelques uns décidèrent d’arrêter le projet.

Dans ce contexte, la première action du nouveau responsable était de reprendre contact pour se présenter, clarifier le nouveau fonctionnement et rassurer. Nous partons alors en moto pour visiter les apiculteurs, avec Tsifantary, jeune du Makay qui travaille avec nous depuis plusieurs années et qui deviendra d’ailleurs, dans les mois qui suivent, le responsable des écogardes d’un autre projet de Naturevolution intitulé « Sentinelles du Makay ».

Première étape, Betamenaky, 4km au nord de Beroroha. Christian nous attend. Il est plutôt réservé. Est-ce son tempérament naturel ou est-il sur ses gardes ? Nous débutons les présentations, puis réexpliquons les objectifs de l’association. J’expose aussi mes méthodes de travail pour mettre cartes sur table. La discussion se passe très bien et Christian nous dit qu’il souhaite continuer l’apiculture avec, dans l’idéal, au moins 10 ruches. Aujourd’hui, il ne lui en reste qu’une seule, même chose pour les autres apiculteurs d’ailleurs.

Visite avec Christian

Nous partons ensuite à Beroroha Est, 5km à… l’est de Beroroha. Nous rencontrons Tojy et Jean de Dieu. L’ambiance est plus détendue et très vite Tojy veut orienter la discussion sur l’ancien chef de projet : « Il a créé une association d’apiculture à Beroroha et nous a demandé de le rejoindre, mais on a dit non. Il nous a déjà excroqué une fois, on ne veut plus travailler avec lui ! » Il avait envie de vider son sac et de montrer une certaine fidélité à Naturevolution.

  • « Combien de ruches voudrais-tu, Tojy ?
  • 10
  • C’est amusant, vous dites tous 10 !
  • Ah, mais si je peux en avoir 25 ou même 50, je veux bien !
  • Haha, c’est bien, mais on va reprendre doucement. »

Nous terminons avec Mahatratra de Beroroha même. Lui avait décidé d’arrêter l’apiculture un an auparavant, déçu du comportement de l’ancien chef, mais après une longue discussion, il veut bien réessayer. Il reste néanmoins sur ses gardes.

Après tous ces échanges et cette nouvelle synergie, nous les réunissons pour une formation collective afin de reprendre les bases et identifier les points de difficultés. Il était intéressant de voir que le niveau technique était plus avancé que dans le Nord Makay mais avec des méthodes disparates. Certains visitaient une fois par semaine, d’autres une fois par mois, ou encore pas du tout en période de fortes pluies.

Bon ! Il faut uniformiser tout ça ! A quelle fréquence visiter les ruches, à quel moment de la journée, et à quoi faire attention pendant la visite. Piège ! Tout est variable en fonction de la météo et l’état de la colonie. C’est là l’importance de ces formations : comprendre comment se comporte un essaim pour savoir comment réagir et ne pas appliquer une règle bêtement.

Comme dans le Nord, l’un des objectifs des formations collectives est que les apiculteurs se rencontrent pour ensuite s’entraider. C’est déjà le cas entre Tojy et Jean de Dieu qui viennent du même village, mais il faut étendre la chose.

Nouveau moyen de transport

Pendant ce déplacement dans le sud du Makay, presque tous les chef·fes de projets de Naturevolution étaient du voyage : Angela et ses agents pour la sensibilisation, Fetra et Dédé pour le reboisement, Danie pour la sécurisation alimentaire, Julie, Hugo et Evrard pour le volet environnemental et notamment les formations des écogardes, mais aussi Lorena, une écovolontaire, et le photographe Nathanaël. Il est parfois compliqué de se retrouver avec d’autres membres au même endroit compte tenu de l’étendue du massif alors ces moments de retrouvailles sont appréciés. C’est tous ensemble que nous partons en pirogue au village d’Ambalamanga où nous resterons quelques jours en bivouac sur le bord du Mangoky.

Chargement des pirogues

Cette fois, c’est Danie qui m’accompagne pour m’aider dans les traductions avec Samba, l’apiculteur de ce village. L’affaire est un peu différente ici. Après le passage d’Evrard plus tôt dans l’année, beaucoup de matériel lui avait été laissé pour qu’il agrandisse son rucher, la zone étant supposément plus favorable à l’apiculture. C’est avec déception que nous voyons du matériel à l’abandon dehors, à la merci des termites, des souris ou encore de la pluie.

Un changement de responsable peut insuffler un nouveau départ, alors nous reposons les bases, ce que l’association attend de lui et comment nous allons travailler ensemble. Il est d’accord avec ce nouveau fonctionnement et nous enchaînerons le lendemain par une journée de formation. Ce sera aussi l’occasion de la présence de l’équipe de sensibilisation pour parler de la pollinisation et du rôle des fameux insectes pollinisateurs.

Pour Hugo, Julie, Christian (notre cuisinier pour le séjour) et moi, il est temps de rentrer à Beroroha. À pied cette fois-ci. La pirogue, dans ce sens, étant à contre-courant, la remontée peut prendre 6 à 8 heures contre 4 à pied. Après une heure de marche dans le sable, le pisteur s’arrête ! Une personne au loin vient en notre direction avec un grand sac (gony) sur la tête : « J’attends ma femme, elle va venir avec nous pour emmener des légumes. On les vendra à Beroroha ». Vu le chargement, Hugo, Julie et moi, nous nous disons que le rythme va ralentir un peu et ce n’est pas pour nous déplaire. Bien naïf est l’étranger ! C’est sa femme qui mène la danse sur un rythme tout aussi soutenu. La chaleur qui augmente à l’approche de la mi-journée ne semble pas l’affecter non plus. De notre côté, on tire un peu la langue et je me permets de demander une petite pause. Elle sera effectivement courte, le pisteur presse pour que nous reprenions la route. Harassés, nous arrivons à destination avec une seule envie, les yaourts frais de Pierrette ! Connue dans toute l’équipe Naturevolution, ses petits yaourts sont un vrai miracle.

Nouvelle saison, nouveau miel

Aujourd’hui, c’est l’extraction ! Tsifantary part avec moi en 4×4 pour faire le tour des apiculteurs et récupérer les hausses de miel. Après un rappel des règles d’hygiène, nous attaquons l’extraction. L’utilisation d’une charlotte pour éviter la chute de cheveux dans le miel aura été un bon moment de rigolade. Tojy voudra même repartir chez lui avec. Chaque apiculteur, et avec l’aide des autres, extrait son propre miel : désoperculation des cadres au couteau froid, utilisation de l’extracteur, filtrage du miel et vérification du taux d’humidité.

Désoperculation au couteau

Ce fameux taux, justement, est important pour la conservation du miel. La réglementation française interdit la vente des miels contenant plus de 20% d’eau car le risque de fermentation est jugé trop important. Parce qu’à chaque règle il faut une exception, le miel de callune par exemple peut lui monter jusqu’à 23% tout en restant stable, quand d’autres seront plus sensibles, même en dessous de 20%. Tous les miels ne sont pas identiques !

Cette année, dans le Makay, nous avons récolté entre 18 et 19% d’humidité. Un taux plus élevé que ce que nous pourrions trouver habituellement en France et qui s’explique par le climat bien plus humide, mais qui reste conforme.

Il nous faudra une bonne paire d’heures pour tout terminer. L’extracteur est de bonne taille, mais plus il est grand et plus il faut de muscles pour le faire tourner, d’autant qu’il faut atteindre une bonne vitesse de rotation pour extraire un maximum de miel ! Après ce dur labeur, il est temps d’un bon repas tous ensemble pour célébrer cette fin de saison. Tout le monde est réuni une dernière fois pour procéder au paiement du miel. Par souci de transparence et afin de rétablir la confiance, chacun est témoin de ce que les autres reçoivent et cela fonctionne, en témoignent les grands sourires lorsque nous nous quittons.

Cette récolte fut aussi l’occasion de lutter contre un mal qui se répand, le Varroa Destructor !

Rendez-vous au prochain épisode pour la récolte du Nord et la lutte contre le varroa.

Poursuivez votre lecture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

huit + 19 =