Miel du Makay – Blog Episode 4 – Juin 2023

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Vous avez dit hiver ?

En ce mois de juin, l’hiver est bien installé, mais il ne faut pas oublier que nous sommes à Madagascar, dans la région du Makay, où il fait tout de même chaud (27-30°C la journée, 5-15°C la nuit). Les températures hivernales n’ont pas tellement d’impacts sur l’apiculture du Makay, à l’inverse de l’Europe. C’est plutôt la sécheresse et la raréfaction des fleurs. Plus une goutte de pluie depuis le mois d’avril et ce jusqu’au mois de novembre. Néanmoins, malgré cette sécheresse, il y a tout de même quelques espèces d’arbres et arbustes mellifères qui produisent des fleurs, mais ces espèces sont malheureusement en trop faible quantité, due aux feux de brousses incessants, pour faire d’autres récoltes et parfois même pour la survie de l’essaim.

La bonne nouvelle est que la météo locale n’interdit pas une activité apicole plus rentable que ce qu’elle est aujourd’hui. Le problème, comme dans beaucoup d’endroits, est l’activité humaine. Il « suffit » de changer nos pratiques. Moins de feux de brousse, plus de diversité florale et le tour est joué ! Facile, n’est-ce pas ? C’est là qu’interviennent nos autres projets où la sensibilisation, le reboisement et la fruiticulture viennent appuyer l’apiculture et vice-versa.

Chaton d’Acacia (différent du Robinier)

Hyper vitesse

Nous repartons sur le terrain pour continuer le suivi et les formations spécifiques à cette période de sécheresse. Cela tombe bien, un véhicule doit traverser le Makay pour emmener une réalisatrice, Blanche, rejoindre Evrard à l’intérieur même du massif tandis qu’il a lui-même débuté une traversée Nord-Sud à pied quelques jours plus tôt. En partant de Malaimbandy, nous avons seulement deux jours pour atteindre le village de Tsivoko. Ensuite, accompagnée d’Hugo et Julie, elle continuera à pied jusque dans la forêt de Menapanda où sera Evrard. Enfin ça… C’était le plan.

20 juin, top départ ! Ah mais… le 4×4 n’est pas encore là. Arrivé trop tard la veille à Miandrivazo, dernière ville avec une station essence avant le Makay, il n’a pas pu faire le plein d’essence. Il a dû attendre le lendemain matin et l’ouverture de la station pour partir. Chargement, petit-déjeuner, nous partons enfin. La route est plutôt bonne, la multitude de 4×4 de brousse transportant villageois et touristes a bien « lissé » la piste. À 16h00 nous atteignons Tsarahonenana où nous rejoignons Bolo, chauffeur moto de l’équipe, qui fera le pisteur pour la suite du trajet. Problème ! Une pièce du moteur est cassée. Il l’a déjà remplacée mais il faut encore la roder. Partir immédiatement, compte tenu de la piste, abimerait prématurément cette nouvelle pièce. Nous restons alors dans ce village que nous connaissons bien, d’autant plus qu’il va faire nuit noire dans 2 heures. Nous n’aurons fait que la moitié du trajet prévu de la journée.

4H00, nous partons tôt pour essayer de rattraper notre retard. 5h30, le 4×4 se coince dans une ornière. Le chauffeur insiste et fait ronfler le moteur généreusement. À chaque coup d’accélérateur, nous voyons le châssis balancer de gauche à droite. Vrooom… vrooom… BAM ! Ce bruit là, c’est la transmission qui vient d’éclater. Le moteur, très coupleux, a trop sollicité la mécanique. Le mode 4 roues motrices est désormais hors-service. Nos espoirs de rattraper le retard sont douchés et se pose même la question d’arriver à destination. S’enfoncer dans le Makay uniquement en 2 roues motrices, c’est courir à l’avant des problèmes. Il faut au moins aller jusque Mandronarivo.

La vue d’un lit de rivière est toujours redoutée. Plusieurs fois, nous devrons désensabler et pousser la voiture. Sur les zones techniques et rocheuses, nous ne pouvons faire mieux que descendre pour alléger le véhicule et nous reposer sur les talents de notre chauffeur, Dama, assisté par Bolo pour trouver les bons points de passage. Nous parvenons finalement à atteindre Mandronarivo où Dama tente une réparation. Il sort un roulement complètement cassé. Pas seulement usé, mais bien cassé en quatre morceaux. Comment réparer ça ici ? Avec une tong. Oui, oui, une tong ! Après avoir appelé son patron, il nous explique que finalement sa réparation ne tiendra pas, nous étions de toute façon assez dubitatifs, et qu’une pièce de rechange va être envoyée depuis la capitale. Date estimée de livraison, dans trois jours.

Bolo sur son fidèle destrier

Bon, nous avons raté le point de rendez-vous avec Evrard à Menapenda et nous ne connaissons pas son trajet précis pour la suite de son expédition. Même si nous le connaissions, il y a toujours des imprévus et son trajet peut changer à tout moment. On ne pourra pas le retrouver dans le massif. En revanche, on peut le rejoindre au Sud, à Ambalamanga où je dois me rendre pour visiter l’apiculteur Samba.

Le lendemain matin, nous laissons le 4×4 avec Dama pour qu’il nous rejoigne après les réparations. De notre côté, nous partons en charrette à zébu pour Tanamary, les charretiers ne veulent pas aller jusque Tsivoko. Bon, ce sera déjà ça de fait ! Seulement 30 minutes après notre départ, le roulement d’une charrette casse. Décidément ! Nous perdons 1 heure et demie dans l’affaire mais le reste du chemin se passera sans problème pour finalement arriver en milieu d’après-midi.

Tsivoko n’est pas très loin, 4 heures de charrette. Il est encore possible d’y arriver aujourd’hui ! En cherchant d’autres chauffeurs, nous apprenons que Tanamary et le village voisin sont en conflit et qu’il est difficile de trouver des personnes voulant bien faire le trajet… Ça s’annonce mal. Dans ce secteur, les conflits sont récurrents, pour ne pas dire incessants, ce qui ralentit beaucoup le travail de l’association à cet endroit. Surtout, les villages sont entrés dans un cercle vicieux de vengeance et il n’y a, pour le moment, aucune sortie durable à l’horizon. Une première équipe est d’accord pour nous emmener, mais se ravise une heure plus tard. Le temps de trouver une autre équipe, nous commençons à envisager l’emploi de porteurs pour faire le trajet à pied et embarquer tout le matériel qui nous accompagne. Finalement, en fin de soirée, une autre équipe de charretiers se propose pour partir au petit matin. Sur la route, nous repasserons sur le lit de rivière où nous nous étions coincés pendant 2 heures avec le 4×4 un mois plus tôt. Tous les branchages utilisés pour nous débloquer sont encore là. Une belle trace de notre galère, et ça nous fait bien rire en repassant devant !

23 juin, 11H00, Tsivoko, enfin ! Seulement 2 jours de retard…

Hugo et Julie partent dans la forêt de Menapanda et rejoignent Gaëtan, responsable scientifique de l’association, pour les formations des écogardes. Blanche et moi, entre deux coups de mains au reste de l’équipe, nous attendons Gérard, un chauffeur 4×4. Il m’avait prévenu 10 jours plus tôt qu’il passerait par Tsivoko vers le 24 pour aller dans le Sud. Nous donnons une chance à cette option, l’alternative étant de continuer en charrette pendant 2 jours. Heureusement, le lendemain, Gérard est là et nous partons le jour d’après à Beroroha. Le trajet se passera presque sans encombre, seulement une crevaison et un détour d’une bonne heure suite à une erreur d’orientation. Rien de bien méchant comparé aux jours précédents.

Nous aurons eu besoin de 6 jours complets pour traverser le Makay de Malaimbandy à Beroroha. Et encore, c’est la saison sèche et les pistes sont devenues les plus praticables possible. Oh que la saison des pluies ne me manque pas !

Nous partons le jour suivant en pirogue, au petit matin, afin de rejoindre Ambalamanga, pour Blanche trouver Evrard et pour moi suivre le rucher de Samba.

C’était un bon moment de revoir Evrard et de partager nos diverses péripéties, car il n’était pas en reste non plus. La nuit dernière, les porteurs et cuisiniers ne sont pas venus au point de rendez-vous. Lui et les gens qui l’accompagnaient se sont retrouvés sans nourriture ni matériel (vêtements chauds, tentes, duvets, etc). Ces jours-ci, dans les canyons, la température peut facilement baisser à 5°C. La nuit fut difficile et le levée guerre mieux, d’autant qu’il fallait enchaîner avec une journée de marche le ventre vide.

Couché de soleil sur le Mangoky

Pas d’eau, peu de végétation

De mon côté, je partais rendre visite à Samba. La première ruche que je vois est très calme, puis, quelques minutes plus tard, une quantité impressionnante d’abeilles la quitte. C’est un essaimage ! La colonie se divise en deux avec une moitié qui accompagne la vieille reine à l’extérieur. L’autre moitié reste à l’intérieur avec la nouvelle reine. C’est quelque chose que nous voulons éviter et il existe des méthodes pour le faire. Il s’avère qu’ici, les visites n’ont pas été assez fréquentes pour l’empêcher. Le reste de la visite n’était pas très bon. Les consignes données plus tôt dans l’année n’ont pas été appliqué.

Les visites des autres apiculteurs se passeront heureusement bien mieux et nous pouvons déjà voir la tendance à la réduction de la taille des colonies. Ce sera le thème principal de la formation collective : Le changement de comportement de l’essaim en saison sèche.

Savane entre le Makay et l’Isalo

Le nectar se raréfie et en même temps, le stock de miel dans les ruches. La colonie s’adapte naturellement à ce changement avec la reine qui réduit sa ponte. Alors qu’en pleine miellée, on peut trouver en général 5 à 8 cadres sur 10 couverts de couvain et une ponte de 1500 à 2000 œufs par jour, nous pourrons descendre ici jusqu’à un seul cadre de couvain. Moins de couvains, moins d’abeilles, moins de bouches à nourrir.

C’est aussi la fin de la belle vie pour les faux-bourdons. Eux qui se prélassent dans la ruche en attendant de féconder une reine, ils vont se faire expulser par les ouvrières pour finalement mourir de faim dehors. Il arrive parfois d’observer un amas de faux-bourdons réfugiés dans un coin de la ruche ne désirant plus sortir au risque que les gardiennes ne les empêchent de rentrer. Malgré toutes ces mesures que la colonie prend d’elle-même, il arrive qu’elle manque encore de nourriture et décide alors de déserter pour trouver un environnement meilleur.

En attendant que les arbres produits par les pépinières des villages ne donnent du nectar, il nous faut agir pour éviter ces désertions, sans quoi il faudrait capturer un essaim sauvage pour le remplacer et c’est un problème. La capture n’est pas toujours aisée, l’état sanitaire et l’âge de la reine sont inconnus et la colonie est souvent de petite taille, pas toujours suffisante pour produire un excédent de miel pour nous humains. Il faudrait attendre l’année suivante pour avoir un résultat.

Heureusement, la solution est simple. Nourrir la colonie avec un sirop (un mélange d’eau et de sucre, tout simplement). L’avantage de Madagascar et du Makay en particulier est que quand bien même ce soit l’hiver, il fait au minimum 27°C. Les apiculteurs peuvent donc ouvrir les ruches à tout moment pour nourrir juste ce qu’il faut et uniquement quand il y a besoin. À l’inverse, par grand froid, ouvrir une ruche est une action dangereuse qui risque de refroidir l’essaim et de le désorganiser alors qu’il s’est mis en grappe afin de conserver un maximum de chaleur.

Le dernier jour de la mission, nous retrouvons, à Beroroha, toute la bande qui était restée dans la forêt de Menapanda. Le retour, avec Dama, fut encore tout une aventure, notamment avec un tankage de deux jours dans la boue !

Il est temps de rentrer, cette fois jusqu’en France. Au programme, stage, formation et séminaire pour rester à la page sur les techniques apicoles. Et aussi dire bonjour à la famille après tous ces mois sur le terrain.

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