Des chercheurs de l’IRD dans le Makay

Suite à l’expédition Makay 2017 et à la mission de sensibilisation d’octobre dernier, l’équipe de Naturevolution Madagascar a terminé l’année 2017 en accueillant une équipe de chercheurs de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) pour une mission de deux semaines dans le Sud Makay.

Première mission de l’IRD dans le Makay

Pour Mireille Razafindrakoto et François Roubaud, directeurs de recherche de l’IRD travaillant depuis plus de 25 ans sur Madagascar, l’objectif de cette mission était d’évaluer la faisabilité de la mise en place d’un dispositif de connaissance, suivi et évaluation (DCSE) autour du projet de création d’Aire Protégée dans le Makay, et d’en poser les bases.

L’équipe s’est rendue dans les villages de Beroroha, Tsivoko et Beronono, dans le sud-est du Makay, avant de faire une incursion au cœur du massif et d’en gravir le point culminant, le Vohibe Makay. Cette ascension a permis également de prélever un échantillon de terre pour un scientifique de l’expédition Makay 2017, et a mené à la découverte de nouveaux morceaux de poteries, plus tard remis au Centre d’Arts et d’Archéologie de Tana.

Ascension du Vohibe Makay lors de la mission IRD
L’équipe de la mission IRD grimpe au sommet du Vohibe Makay.

Connaissance, Suivi et Évaluation de l’Aire Protégée

Le DCSE est un protocole qui a pour objectif final l’évaluation de l’impact social, économique et environnemental de la création de l’Aire Protégée du Makay tant sur les populations locales que sur la biodiversité du Makay.

Connaissance – Ce dispositif vise dans un premier temps à réunir des connaissances sur les populations qui vivent autour du Makay – les villages, les situations familiales, l’économie locale, le lien avec le reste de la société malgache, etc. – et sur la biodiversité du massif qui fait l’objet du projet d’Aire Protégée. Il s’agira à la fois de compiler des données existantes (notamment les résultats des recherches menées lors des expéditions scientifiques dans le Makay) et d’en réunir de nouvelles, lors de missions de terrain réalisées par une équipe de chercheurs spécialisés.

Suivi & Évaluation – Les données sur la situation initiale (au début de l’étude) du Makay et de ses populations seront suivies d’année en année. Finalement, et c’est sans aucun doute le plus difficile, ces indicateurs permettront d’évaluer l’impact de la création et de la gestion de l’Aire Protégée, et si possible, de certains des projets spécifiques mis en place (apiculture, reforestation, lutte contre le feu et le braconnage, etc.).

Un villageois contemple les étendues herbeuses en bordure du Makay
Un villageois contemple les étendues herbeuses en bordure du Makay.

Un regard extérieur et indépendant

Le protocole et les résultats du DCSE seront bien évidemment indépendants du gestionnaire de l’Aire Protégée, qui n’aura qu’un rôle logistique sur le terrain.

Pour Naturevolution et pour le Makay, un tel dispositif est utile à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il permet d’avoir une équipe de recherche expérimentée qui mène une étude à long terme et de haut niveau sur le contexte socio-économique et environnemental du Makay, sur son évolution et sur l’impact de l’Aire Protégée.

Il offre aussi une crédibilité auprès du gouvernement malgache, des institutions locales, françaises ou internationales, ou encore des partenaires privés qui nous accompagnent. Il facilite ainsi grandement la recherche de financements, clé de voûte du travail de terrain sur le long terme.

Villageois du Makay
Un villageois lors d’un entretien dans un village du Makay.

Un défi méthodologique

De retour en France, les chercheurs de l’IRD ont présenté une première feuille de route du projet lors d’une réunion qui s’est tenue dans les locaux de l’IRD à Paris courant décembre avec les équipes de Naturevolution et Naturevolution Madagascar.

Si les évaluations des projets socio-économiques d’une part, et des projets environnementaux d’autre part, sont aujourd’hui bien rodées, l’articulation de ces deux objectifs, humain et environnemental, au sein d’une même évaluation d’Aire Protégée, rend sa réalisation encore aujourd’hui complexe.

« Effectuer un suivi et une évaluation des impacts socio-économiques et environnementaux d’un projet d’Aire Protégée est complexe. C’est aujourd’hui un défi sur le front méthodologique tant pour la conservation que pour le développement. » – François Roubaud

L’ampleur de cette étude intimide quelque peu les chercheurs de l’IRD, mais elle les attire également : c’est d’être à la frontière méthodologique qui donne au projet de DCSE de l’Aire Protégée du Makay sa portée nationale, voire internationale. A Madagascar déjà, le dispositif founira des données extrapolables à de nombreuses autres zones reculées du pays, tout en permettant d’affiner les procédés de mesure. Les données seront également mises à disposition de la société malgache. Au niveau international, le côté pionnier d’une démarche de suivi-évaluation intégrant tant les composantes sociales et économiques que les enjeux environnementaux la rend particulièrement utile pour la conservation des aires protégées ailleurs dans le monde, où la pression démographique engendrée par les populations locales est monnaie courante.

La traversée du fleuve Mangoky pour accéder au Makay Sud
Le Makay est particulièrement difficile d’accès. Ici, le bac sur la Mangoky, passage obligé pour accéder au Makay Sud.

L’équipe

Naturevolution et Naturevolution Madagascar souhaitent remercier les participants de cette mission pour leur engagement et leur motivation.

Forts de 25 années d’études sur Madagascar et dans le développement en général, Mireille Razafindrakoto et François Roubaud ont mis en place le Réseau des Observatoires Ruraux (ROR) à Madagascar : un maillage du territoire prenant le pouls de la société malgache au plus près des populations. Tout deux directeurs de recherche à l’IRD, Mireille est statisticienne économiste et François est expert sur l’évaluation des projets environnementaux pour l’Agence Française de Développement (AFD) et le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM).

Ils ont récemment publié un livre – L’énigme et le Paradoxe – tentant d’apporter une réponse au paradoxe de la société malgache : pourquoi malgré soixante années sans guerre (et malgré plusieurs décennies de projets de développement), contrairement à de nombreux pays africains, la population malgache est de plus en plus pauvre.

Irène Courtin, diplomée en sociologie externe et blogueuse sur les questions d’éthique de la consommation, s’est également jointe à titre personnel à cette mission.

Progression dans un canyon encaissé du Makay
L’équipe de la mission IRD progresse dans un canyon étroit du Makay.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

dix-neuf − 5 =