Naturevolution a lancé en 2018 un projet pilote de développement de l’apiculture dans les villages situés sur le pourtour du massif du Makay à Madagascar.
Ce projet, qui a reçu le soutien de l’Agence des Micro Projets et d’autres partenaires, et pour lequel nous sommes en recherche de financements complémentaires, a deux objectifs principaux : d’une part, former les premiers apiculteurs et artisans, ainsi qu’un premier réseau de vente ; d’autre part, réunir les éléments nécessaires au lancement d’un projet de plus grande ampleur. Pour mieux comprendre ce projet dans son ensemble, nous vous proposons ici une ouverture sur le monde apicole malgache.
L’abeille de Madagascar
Madagascar est bien connu pour son endémisme exceptionnel, avec un taux qui excède 80% pour les insectes et avoisinent même les 100% pour certains groupes. L’abeille de Madagascar ne déroge pas à cette règle avec l’Apis mellifera var. unicolor, sous-espèce endémique parmi les 28 sous-espèces d’Apis mellifera connues dans le monde.
Elle est caractérisée par une couleur foncée uniforme et présente une faible pilosité sur tout le corps (Ruttner, 1975). Les ouvrières de cette variété d’abeille sont parmi les plus petites du genre alors qu’au contraire le mâle a de relativement grandes dimensions (Ruttner, 1987). Elle participe non seulement à la pollinisation d’une très grande partie de la flore locale endémique de Madagascar mais aussi des grandes cultures vivrières ou d’exportation comme celle du litchi.
Selon une étude INRA et du CNRS, 35% de la production mondiale de nourriture est directement dépendante des polinisateurs. La valeur du service de pollinisation des insectes a été estimée à 153 milliards d’euros, soit 9,5% de la valeur de la production agricole mondiale.
Histoire de l’apiculture à Madagascar
- 1920-1940 – l’apiculture est la troisième source de revenu de Madagascar avec 38 000 tonnes produites, dont plus de 65% sont exportées annuellement vers l’Europe
- 1951 – embargo du miel par l’Europe pour non respect des normes européennes suite à l’addition de sucre et d’eau à ces produits.
- 1996 – embargo des produits d’origine animale de Madagascar par l’Europe, en raison des normes d’hygiène.
- 2011 – l’Union Européenne met fin à l’embargo sur le miel malgache
- 2012-2014 – 17 tonnes sont exportées
- 2014-2015 – 54 tonnes exportées
Pour revenir sur la problématique de la qualité du miel, celui-ci est mesuré pour sa teneur en eau et le pourcentage recherché est de moins de 21%. La pureté et la bonne filtration du produit sont aussi recherchées. La difficulté de répondre à cette norme de qualité à Madagascar réside surtout du faible niveau de formation des apiculteurs, d’un taux d’analphabétisme important et de la nécessaire conformité aux normes internationales des conditions d’extraction du miel (miellerie agréée).
Techniques traditionnelles et modernes
L’apiculture à Madagascar se pratique à différents niveaux :
- Les apiculteurs-cueilleurs (50%) prélèvent les essaims sauvages, plutôt nombreux en forêts. Cette pratique entraine malheureusement la destruction totale de l’essaim, et l’arbre où se trouve l’essaim est souvent abattu.
- Les apiculteurs chasseurs d’essaims (35%) vont réaliser un élevage traditionnel à partir d’essaims recueillis en forêts. Un tronc d’arbre creux sert de ruche. On y attire la colonie pour qu’elle produise du miel. Cette pratique est plus respectueuse de l’abeille. Cependant, du fait du peu d’élaboration des techniques employées, elle n’obtient que de faibles rendements : entre 4 à 7 kg de miel pour une ruche traditionnelle, alors qu’ils se situent entre 10 à 20 kg pour une ruche moderne (par an).
- Les apiculteurs intégrés (15%) travaillent en partenariat avec des mielleries ou coopératives. Leurs techniques de production sont similaires à celles utilisées par les apiculteurs ‘modernes’, par exemple en France.
Les ruches utilisées à Madagascar
En plus de ruches traditionnelles construites à partir de troncs d’arbres, on trouve à Madagascar principalement 2 types de ruches modernes, les ruches Dadant et les ruches de Langstroth.
L’éternel débat entre apiculteurs porte sur la comparaison entre ruche « Langstroth » ou ruche « Dadant » et Madagascar n’échappe pas à cette règle, à laquelle il faut ajouter des modifications régionales (ruche « Bourbon »). Le corps de ruche de la première est plus petit donc plus maniable mais offre moins de nourriture à la colonie pour les périodes de disette. Les hausses de miellée sont plus grande pour la ruche « Langstroth » mais il est aisé de mettre deux ou trois hausses sur un corps de ruche « Dadant ».
A Madagascar, une ruche produit entre 10 et 60 kilos de miel par an suivant la vigueur de la colonie mais également en fonction de la qualité de l’environnement mellifère et de la météo. Dans l’Est, les apiculteurs effectuent quatre miellés par an (niaouli, polyfloral, macaranga, litchi).
Les atouts de l’apiculture à Madagascar
L’apiculture est très présente dans la culture malgache et répandue sur l’ensemble du pays. Le miel y jouit d’une très bonne image et est utilisé traditionnellement en remplacement du sucre, en thérapie et en cosmétologie.
- Un potentiel énorme et inexploité : la richesse de la flore ainsi que les caractéristiques du climat donnent de longues périodes de floraison d’une très grande variété d’espèces. Elles permettent à Apis mellifera var. unicolor de produire tout au long de l’année plusieurs récoltes de miels succulents aux saveurs multiples nées du grand nombre d’essences butinées. Il est en effet possible d’obtenir jusqu’à quatre récoltes annuelles, mais cela n’est possible que si les apiculteurs ont accès à une information technique ainsi qu’à du matériel spécialisé, principaux freins à Madagascar.
- Un revenu supplémentaire pour les paysans, surtout en période de soudure (période difficile entre deux récoltes). Ce revenu peut permettre à chaque ménage d’accéder à une éducation et à des soins de qualité dans un environnement plus sain.
- Le développement de l’apiculture peut contribuer à la protection de l’environnement, comme le mentionne une étude publiée par le CITE sur l’apiculture à Madagascar (2004). Une diminution des feux de brousse volontaires est constatée dans les zones où est pratiquée l’apiculture.
Les contraintes au développement de l’apiculture
- La déforestation : celle-ci détruit la variété et le nombre d’espèces de plantes mellifères, elle impacte lourdement la diminution des populations d’abeilles sauvages.
- Le faible pouvoir d’achat des populations rurales ne permet pas d’investir dans l’achat et l’entretien de ruches modernes et encore moins dans le matériel apicole adapté (extracteur, contenants, cire gaufrée etc…). L’insécurité bloque les initiatives nouvelles et l’ouverture de nouveaux débouchés).
- Le manque de savoir-faire dans certaines régions comme le Makay, d’où l’importance de l’apprentissage des techniques apicoles et du suivi de la mise en place du projet apiculture.
- Mais le facteur limitant le plus important est sans doute l’absence d’un marché structuré pour écouler la production.
- En 2009, le varroa, un parasite extrêmement nocif (surnommé le « vampire de l’abeille »), a fait son apparition à Madagascar. Les apiculteurs malgaches bénéficient de l’expérience de leurs confrères européens et développent maintenant des techniques performantes de lutte contre la parasitose.
Le marché local du miel
Le « bon miel » issu de l’apiculture moderne est acheté en vrac par les grossistes entre 5 000 et 8 000 ariary le kilo (1,40 € et 2,20 €), il est distribué dans le commerce de détail autour de 8 à 10 € le kilo.
Il y a une forte demande sur le marché national pour un miel de qualité, que la production actuelle n’arrive pas à satisfaire. Les produits de cueillette sont souvent de qualité médiocre, sales ou additionnés d’eau, et sont destinés à des consommateurs peu exigeants ou à faible revenu. Par ailleurs les collecteurs, les commerçants et les restaurateurs de l’île sont à la recherche de miels de qualité.
L’apiculture dans le Makay
Dans le massif du Makay, le miel de forêt est polyfloral. Aux abords des villages, il est dominé par des essences de fruits, principalement d’agrumes. La bonne qualité de l’eau et la multitude de points de stockage naturel facilitent le travail des abeilles et améliorent la qualité du miel.
Depuis toujours, les cueilleurs chasseurs de la région vont prendre le miel dans les cavités des arbres ou de la roche. Cette technique est destructrice car elle met en péril la survie de la colonie entière, la privant de la totalité de ses réserves et, parfois, tuant accidentellement la reine.
Le lancement d’un projet d’apiculture dans la région du Makay part du constat simple de l’importance culturelle et traditionnelle du miel, d’un savoir-faire empirique de cueilleurs d’essaims et de chasseurs de miel, du potentiel apicole du Makay, mais aussi de la réussite de l’exploitation de petits ruchers familiaux malgré des moyens archaïques et peu efficace. Le projet s’appuie également sur un échange culturel interrégional (Est/Ouest) avec les régions qui ont déjà su développer l’apiculture moderne, comme celle de Manakara.
L’apiculture au service de la conservation du Makay
Objectif 1 : Améliorer les revenus des familles
Les paysans riverains du massif du Makay sont toujours à la recherche de revenus alternatifs qui leur permettraient d’acheter des produits de première nécessité pour faire le lien vital et alimentaire lors de la période de soudure entre deux récoltes. Les conséquences actuelles de ce manque de revenus complémentaires sont le braconnage, notamment des lémuriens, et l’augmentation des feux de brousse pour l’élevage de zébus. Ce n’est également qu’avec des meilleures conditions de vie que les populations locales pourront accéder à l’éducation, à une meilleure santé et alimentation, et, finalement, à se préoccuper de leur environnement.
Objectif 2 : La préservation de l’environnement.
Le développement de l’apiculture dans le Makay, comme au sein d’autres aires protégées ailleurs dans le monde, vise à sensibiliser les communautés locales à une prise de conscience de la nécessité de préserver la forêt, la végétation et les cours d’eau. Les différentes analyses régionales qui ont été réalisées montrent que l’apiculture est une activité économique qui sensibilise de manière efficace à la préservation des ressources naturelles car elle en dépend directement.
Chez les api-cueilleurs actuels, pour qui la vente de miel est un revenu conséquent, l’objectif est de viser à ce que les essaims ne soient pas détruits ni les arbres abattus lors des récoltes, voire à les aider à effectuer une transition vers l’apiculture moderne, transition rapidement bénéficiaire à leur activité. Pour l’ensemble des apiculteurs, la formation met l’accent sur le lien entre la production de miel, sa qualité, et la bonne santé de l’environnement, les conduisant ainsi à devenir à leur tour acteurs de la protection de l’environnement au sein des villages.
Il est toutefois nécessaire que les apiculteurs puissent accéder à un marché de taille suffisante pour écouler les produits, ce que l’enclavement du Makay a jusqu’ici freiné. La maîtrise par Naturevolution Madagascar de la logistique compliquée inhérente au Makay est le facteur clé qui permet aujourd’hui la réalisation d’un tel projet faisant le lien entre les villages du Makay et le reste du pays.
> En savoir plus sur le projet pilote apicole que Naturevolution développe dans les premiers villages du Makay.
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