Une petite délégation de Naturevolution est en ce moment à Madagascar, et avant de faire des choix dans notre projet de création d’Aire Protégée, nous souhaitons nous enrichir des conseils d’autres ONG ayant des projets similaires sur le terrain. C’est ainsi que le 26 juillet dernier, nous sommes, Evrard et moi allés visiter la réserve naturelle de Vohimana. Suite à plusieurs échanges avec Olivier Behra fondateur de l’ONG l’Homme et l’Environnement (manandnature.org), nous avons trouvé essentiel de comprendre ce qui avait été mis en oeuvre dans le cadre particulier de l’un de leur grand projet. C’est accompagné de deux personnes de leur organisation, Saroy, jeune femme dynamique en charge des études de valorisation des produits et de Mamy, ex-chef de projet très engagé de Vohimana et aujourd’hui responsable du pôle environnement de l’ONG. Pendant un peu moins de 3 heures de voiture pour nous rendre sur le site, nous avons pu échanger sur nos projets respectifs et recueillir de leur part, de précieuses informations sur la mise en oeuvre très concrète d’un tel projet.
Le projet de Vohimana a débuté en 2002-2003 à l’initiative d’Olivier Behra et de Dimby, tous deux herpétologues et tombés amoureux de la zone qu’ils ont étudié. Face à l’importante dégradation de la forêt primaire, ils ont décidé d’agir et on créés en quelques années une aire protégée de 1 600 ha dont aujourd’hui, un tiers est en cours de reboisement (à l’ouest du village), un tiers est une réserve naturelle (noyau dur) et un tiers est consacrée au développement agricole.
Malgré les fortes rivalités qu’il y avait entre les villages au début, les actions de développement ont permis de rapprocher les villages et de créer un comité de gestion dans lequel siège l’ONG ainsi que les représentants des associations et les représentants des villages. Ce comité de gestion gère les nouvelles activités économiques (principalement l’éco-tourisme et l’extraction d’huiles essentielles), gère les investissements, paye les travailleurs, aide au développement de l’éducation et investit dans le réseau de santé. Le chemin a été long car au départ, les premières actions de l’ONG se sont faites sans que tout le monde ne soit convaincu, et tout s’est basé sur le volontariat de quelques paysans « pilotes ». L’essor économique autour de l’extraction des huiles essentielles notamment a permis de recruter encore plus de personnes prêtes à s’inscrire dans cette nouvelle dynamique.
En quelques chiffres, à ce jour :
– 300 familles vivent sur la zone
– 70 personnes cultivent le gingembre pour l’extraction d’huiles essentielles
– 16 pépiniéristes cultivent plus de 30 000 plants par an
– 150 planteurs aident au reboisement
– 300 ha d’essences autochtones ont été plantées pour la production d’huiles essentielles
– 2 alambics ont été installés dans 2 villages différents, ils tournent en continu toute l’année
– plus de 100 collecteurs cueillent et acheminent les feuilles toute l’année vers les alambics
– 3 guides éco-touristique ont été formé et accueillent les touristes
– 1 famille s’occupe de l’accueil dans le parc
– plus de 200 touristes visitent et séjournent sur le site chaque année
– 80 femmes alimentent le dépôt-vente en objets d’artisanat (vannerie, couture) et se forment dans l’atelier
Notre visite a débuté par le centre de santé dans lequel, en permanence, il y a une sage-femme, une accoucheuse et un médecin (tous les 3 sont de Tana). Les visites sont gratuites pour les travailleurs de l’ONG (ils ne payent que les médicaments dans certains cas). Les gens ont du mal à venir consulter, il y a beaucoup de méfiance en la médecine moderne, ils ont tous recourt au plantes ou aux guérisseurs (tradipraticiens) avant de venir au centre de santé. Les tradipraticients sont souvent de très bons appuis pour les actions de replantation et souhaitent que des espèces disparues soient réintroduites. 146 espèces de plantes médicinales sont utilisées dans cette zone. Un livre est édité par l’ONG pour améliorer la connaissance des plantes et leurs actions (en français et en malgache).
Les principales maladies rencontrées dans cette zone sont :
– la malaria
– les diarrhées aiguës
– les problèmes respiratoires (charbonniers, climat humide)
Il y a en moyenne 3 à 4 accouchements par mois pour environ 1 600 habitants. Les personnels notent qu’en dessous de 5 ans, les enfants n’ont pas spécialement de problème de nutrition, la malnutrition apparait plus tard. Les femmes allaitent en moyenne pendant 2 ans et ont en moyenne 5 à 6 enfants, parfois très jeune. Le centre de santé a aussi des action de planning familial et propose des contraceptifs (pilule -financée par l’état-, préservatifs et contraceptif injectable).
A côté du centre de santé se trouve la maison des femmes qui regroupe le dépôt vente d’artisanat (vente locale et exportation) et l’atelier dans lequel il y a chaque semaine des formations et cours de tissage, de vannerie. Le but est d’améliorer la qualité et de diversifier les produits. Aujourd’hui 10 femmes travaillent régulièrement à produire des pièces d’artisanat.
Pour la distillation des huiles essentielles, les locaux sont formés, pour chaque alambic, il y a un responsable local. L’alambic tourne toute l’année, il y a quelques arrêts seulement lorsque l’eau est basse dans les cours d’eau. Les distilleurs ne vendent pas en direct aux touristes mais écoulent leur production via les canaux mis en place par l’ONG.
Tous les plants utilisés pour la reforestation et pour les plantations d’essences utilisées pour l’extraction des huiles essentielles sont produits dans des pépinières situées sur la zone. Nous avons visité celle qui est proche du coeur de Vohimana, les chiffres de production sont impressionnants : près de 30 000 plants par an ! Chaque année, des zones sont reboisées avec à peu près 1 000 plants à l’hectare (jamais plus que 2 000). Cette année, plus de 70 ha seront replantés avec des essences autochtones rigoureusement choisies et « élevées » dans les pépinières de la zone protégée. Dans cette pépinière, 3 à 4 personnes y travaillent à plein temps toute l’année. Pour le transfert et la plantation, il faut en général 60 personnes pour planter à peu près 15 hectares en un mois. Le reboisement d’une parcelle se fait toujours en embauchant le propriétaire coutumier, car compte-tenu de la difficulté et le travail que cela représente, il est clair que ça n’incite pas à tout brûler ensuite !
Cette journée a été riche, un grand merci à Saroy et Mamy pour leurs précieux conseils et pour avoir partagé avec nous si gentiment leur expérience. Nous en tirons des enseignements qui vont nous guider pour la mise en place de l’Aire Protégée… A suivre.